Marie Mélisou

 

 

 

 

 

 

 

En marche

nous inventons davantage
le plus de plaisir
clapotis

quand nos yeux tournés
vers cette délicate
la vie
crient sa solidité
duvets des sourires

ne naufrageons nos empreintes

 

 

 

 

Dépouiller l'appris

j'implore les pas du savoir
disparu un matin
salle des attentes

j'ai failli m'y délayer aussi
le mouvant du sol
mirage sans oasis
salle des pas perdus

seule l'épaisseur des pensées
me sépare de vous
pas à pas

je veux des ragots célestes
en charivari
de salles obscures

 

 

 

 

La partir

elle voudrait s'offrir l'effet de grandir

désenfiler les pensées étroites
jeter le ratatiné le moins réfléchi l'étriqué
jusqu'à l'absurde pour ressentir

                    partir

s'échapper des vieux points d'appuis

ils ramèneraient peut-être le calme
                              idée improbable

 

 

 

 

Un été penché

Ta bouche n'était pas close,
elle écoutait mon avancée
qui, pas à pas, découvrait le bonheur.

Elle souriait aux reflets violets,
au bleu, à l'ocre foncé que nous aimions,
à la hauteur traversée par la lumière,
à ma main dans la tienne.

Ta mémoire savait, la montagne Sainte-Victoire
est une danseuse immobile.
Marcher sur une improbable nuit,
qui jamais ne viendrait, ainsi nous le voulions,
poursuivre le voyage.

Grâce à toi, pourtant,
l'été allait venir.

Un étonnement sans fin d'être arrivés là,
au bout d'un chemin au très loin de nous,
pavé d'une atmosphère si douce
que des carillons d'étoiles en plein jour
dominaient le vallon.

La brume dérivait doucement et
venait chercher refuge,
sillage des oiseaux en vols nombreux,
au bout d'un sommet blanc
où se promenait le vent.

Par Toi,
l'été serait.

Le silence
en bruissement du soir jouait
sur les chants de milliers de cascades.
Après l'orage
elles animaient les prés.

Chaque vallon, peint en rouge en vert,
comme mille folies faisant la fête,
prenait des sentiers en pierres
pour grimper les sommets,
pour suivre plus haut.
Vouloir vivre toutes les clartées.

Avec Toi,
l'été à regarder.

Flacons de sable rouille,
creux de ta main où persistait mes yeux fermés,
la soif de notre simplicité, penchée,
avait stoppé l'absence,
le temps, les lieux, les mémoires.

Seul, perdurait le rêve d'être éveillés vivants
et aussi,
celui du désir tenté.

Des rires cachés dans l'herbe,
en longs intervalles romarin, promenaient
nos ombres flammes penchés.

Penchés sur le bruit de l'eau,
vers le chuchotement ocre des franges de la terre,
jeunes branches d'humeurs gaies,
poudres de lucioles, de grillons, de cigales,
nous avalions la tranquille liberté d'être.

Du ciel, disque solaire couchant,
à l'écho des brins d'herbes, caracole le mistral,
nous retenions notre souffle
pour l'été qui viendra.

Un été penché,
à s'aimer.

Aix, mai 1998

 

 

 

 

A côté

tout est à côté
les maisons leurs volets
et les gens ceux d'hier de toujours
revêtus de collines électrifiées
où j'ai peur de brûler sans vivre

tout est à côté
aussi la rive et ses sables
enveloppés de barrières inaccessibles
cernés de brumes insurmontables

tout est à côté
ma main se tend mais sans avancer
elle repousse au plus loin
chaque fois qu'elle veut saisir

tout est à côté
ma tête enrubannée d'idées sillons
ils creusent démesurément le couchant
et les ombres, pour semer le sombre

tout est à côté
les mots et la danse des phrases
les signes qui ne m'en font aucun
et les lignes allongées en tas

tout est à côté
déjanté décalé déplacé dévidé
même la fille dans le miroir
celle qui me poursuit de mon image

Octobre 1998

 

 

 

 

Le parfait imparfait

La vie était épices
quand les gestes expiraient de lèvres dorées
cercles chauds fleurissaient
            Entre chairs et paumes

Tu soufflais
nous hissions  nous rejoignions
et le chant de l'abeille pressait le feu prématuré

Tu offrais le soleil de nuit orangé
il embrasait le monde
tu étais
sans clarté sombre et ténèbres muettes
tu étais
et le limpide anneau joueur

            Ainsi nous attestions notre existence

La vie était épicée
et les joies douleurs vivaient le parcours du vif argent de l'eau
flambée de nous aimer ardents
            Entre chairs et paumes

Tu frissonnais
nous unissions  nous vivions
et s'échappait le sanglot de l'eau laissée aux manoeuvres

Tu éveillais le puits
et sans écart des mains tu élevais les signes d'approches
tu étais
sans fil réducteur le conducteur
tu étais
et les fleurs pointaient joies

            Aussi notre existence fut-elle attestée

Février - novembre 1998

 

 

 

 

***


 

 

Extraits de "Carnet Simple"


Sans aube

Ce soir je me sens entre enfant et vieille
La lune ronde régule le passage de mon temps
Les vivants moins qu'elle
          Ils avancent d'un pas


Au matin possible vie aujourd'hui d'un demain
Les algues durent et on ne sait quasiment rien
Les vivants en énigmes
              Ils avancent d'un pas


La nature est mon fossile formation d'apparition
Mon origine connu en datation non remarquable
Les vivants m'ignorent
                    Ils avancent d'un pas


Sa petite mort cellules détonnantes graine linceul
Recyclée sans précision mêle étroitement l'amour
Les vivants s'en foutent
                        Ils avancent d'un pas

 
Mon enfant est mort demain dès l'aube j'y vais
Courir comme une folle la campagne originelle
Les vivants nous tuent
                                Ils avancent d'un pas


Objet de septicisme même de moquerie bleue
L'horloge moléculaire conduit au pire endroit
                        Les vivants crèveront
                                        J'enterrerai leurs pas

Octobre 1997

 

 

 

 

Leitmotiv

Un jour
Il était huit heures et des poussières,
Poussières d'étoiles,
Je suis morte.

Pour de vrai, pour de grave.

Depuis
Plus personne ne peut
Par volonté, par méchanceté, par gratuité
Quelle que soit l'heure
Me tuer.

Août 1997

 

 

 

 

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