Jean-Marc Riquier

 

FAITS CONTRE FAITS...

Des Fleurs et des Chants

Femmes
Chants
Véroniques

(Extraits)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FEMMES

 

 

 

 

 

C'est au corps de la femme
Que se joignent les rives
Que la césure abolit.

 

 

 

 

 

 

J'aime à retrouver en leur maturité aboutie
Les grâces maladroites de l'adolescence.
En toi elles sont toutes

Juillet 1995

 

 

 

 

 

 

Fleurs encore maladroites, froissées
Par la ganse d'hiver du bourgeon,
Les femmes se déplissent et s'exposent.
C'est le printemps.

 

 

 

 

 

 

En ces temps de canicules, elles s'offrent et
Se refusent,
Vêtues de transparences courtes et légères
Qui les dévoilent.

Juillet 1995

 

 

 

 

 

 

Sur la place

Posée en virgule sur le banc,
Les yeux ouverts sur le désespoir,
Modigliani brune, vêtue de blanc et noir,
Les mains jointes sur ses genoux serrés,
Elle prie au pied des tours de la cité
cathédrale
                     Implorante d'à venir.

 

 

 

 

 

 

                                         Passagère
Les courbes du visage
Le désordre savant
                    des cheveux
                                        en cascade
Sa bouche ferme et délicate
Le miel sombre de ses yeux
Avaient dans leur harmonie
Un je-ne-sais-quoi de touchant.

 

 

 

 

 

 

Sortie d'école

Elles ont les cheveux tirés, sagement
attachés sur la nuque, et des
anoraks noirs identiques. L'une porte
des collants noirs, l'autre un
pantalon de velours côtelé. Lolitas
indécises, elles se révéleront à elles-
mêmes au retour du printemps.

 

 

 

 

 

 

Clichy, 7h 55

       Fine silhouette de cuir noir. La féminité descend de son scooter. Un coup de reins et le voilà sur sa béquille.
       Un doigt, un autre doigt, en gestes économes, elle enlève ses gants révélant ainsi des mains élégantes aux griffes incarnat. Appliquée, elle dessangle son casque, et le petit jour s'offre une longue chevelure à rendre jaloux le soleil pâle du matin.
       Elle descend la fermeture à glissière de son blouson puis libère ses oreilles des écouteurs du baladeur. La minuscule machine qui nichait à sa taille disparaît dans le sac qu'elle porte en bandoulière. Gestes empreints d'efficacité tendre.
       Envie d'être l'objet de cette attention.Corps qui s'offre prenant en défaut la volonté ; centrée sur ce qu'elle fait, elle ne se donne pas en spectacle.
       Désir d'elle.
       D'un mouvement de tête dont la longue pratique n'enlève rien à la grâce, elle aère sa chevelure. Visage délicieux, mis en valeur par un maquillage discret.
       Sa mesure et sa retenue exhalent une sensualité dont la douceur appelle la violence.
       Elle tourne le dos à la rue et entre dans la pâtisserie dont le rideau vient de se lever. Dans quelques instants elle vendra des gâteaux.

 

 

 

 

 

 

Passagère

       De sa veste de peau fourrée, proprement râpée aux poignets, fatiguée aux pliures, émerge le tuyau blanc du col de son corsage. C'est un col à l'ancienne, aéré de broderies que serre un ruban de même tissu, à la base du coup. Sa tête gracieuse, au visage allongé que nul fard ne vient mettre en valeur dégage comme un parfum de grand-mère tendre.
       Elle s'installe, assise sagement. Ses doigts en fuseaux sortent délicatement de son sac de cuir une ébauche de tricot à deux fils. Mailles comptées et recomptées. Quand la voiture traverse une plage de soleil entre deux vagues d'ombre immobilière, quelques fines bagues brillent à ses doigts. Une alliance peut-être ?
       Elle tricote lentement, avec une application de bonbon anglais, une douce application acide. Maille à l'endroit, maille à l'envers. La laine est rose. Une layette ? Alors l'alliance... peut-être...?
       Sa mise entière resplendit de modestie. Un modèle de tendresse pour peintre de madonne. Assise au fond du bus, elle n'a pas vingt-cinq ans.

 

 

 

 

 

 

Boucles blondes sur veste rouge,
Deux yeux verts rêvent,
Dans l'échappée
                              des murs
                       de briques.

 

 

 

 

 

 

Délicate béance fleurie
Sur un liseré de dentelle blanche.
Emotion.

 

 

 

 

 

 

Gainée en domino,
Elle rythme son impatience
Au balancement de sa jambe.

 

 

 

 

 

 

Rouge, Blanc, Noir
D'où émerge la grâce
                          fuselée des jambes
              Irradiant la tendresse.

 

 

 

 

 

CHANTS

 

 

 

A se réchauffer l'âme
Au congrès de l'amour
                            Je convie.

 

 

 

 

 

Première
Elle ouvre à l'être

Dernière
Elle sublime les autres.

4 Juillet 1993

 

 

 

 

 

 

 

 

Le jour s'engrène en fractions d'éternité
Que plissent au quotidien
                                  des gestes de passion.

 

 

 

 

 

                                  Oh !
Retrouver la douceur fruitive
De cette joue.

 

 

 

 

Dans ces instants volés
Au quotidien que j'aime,
Qu'est - ce ?

 

 

 

 

 

                                                               Encore

 

Toucher les courbes familières
                                  aux sonorités violoncelles
Goûter les saveurs océanes
                                    au creux des plis secrets
Humer un jour les roses
                                                       de Bagatelle

 

 

 

 

 

L'âme dévoilée et le corps qui se donnent
Abreuvent
Le désireur d'absolu.

 

 

 

 

 

Pierre levée, marqué du sceau
De ton empreinte tellurique,
Frigg, je te suis lige

 

 

 

 

 

Rebroder sans cesse,
Aux chemins de traverses,
Une carte du Tendre
Incertaine et avide.
                               Tension.

 

 

 

 

 

                               Prière apollinienne

Ne crains pas de te donner
L'autre saura te recevoir.

Si tu crains de te perdre
Il saura te rendre à toi-même.

Si le fol attelage échappe
                               à la gravitation morale,
Faire un soleil dont le rire éclairera
                        La nuit des sots.

 

 

 

 

 

                               Prière du jardin

Connaître

                               La source
                                         des effluves évanescents
Saisir
                               Le réconfort
                                         aux courbes des épines
Se désaltérer
                               Aux lèvres ouvertes
                                         de la rose humide

Remplir un instant d'éternité.

 

 

 

 

 

Aux creux les plus intimes
Je dépose les baisers sages
Et fous qu'on imagine.

 

 

 

 

 

Un ciel bleu, humide et triste
Un vent qui caresse trop fort
Tout appelle à l'amour.

 

 

 

 

 

Dans l'encrier du ciel renversé
Les sapins trempent leurs plumes noires.
Les rochers de la pente nous ont aimés.

 

 

 

 

 

Une voix, frisson de bas qui glisse
Dévoilant le grain de l'âme
Passion qui s'offre en fleur éclose.

 

 

 

 

 

Douceur humide du soir qui tombe
Comme soie aux pieds d'une femme
Le ciel est couleur de ton absence.

 

 

 

 

 

Vestale qui brûle aux feux qu'elle
                                             entretient,
Elle garde le ciel lourd
A son pied.

 

 

 

 

 

Les rues sont vides
Et le fauteuil sans odeur
J'attends le creux de ta main.

 

 

 

 

 

C'est au matin
Que l'aigremoine dénonce
Les instants volés
A la froidure de l'automne.
Bonheur champêtre
Debout
Entre fleuve et ciel.

 

 

 

 

 

VERONIQUES

 

 

 

 

La maison
La dune ou l'étang
La pierre levée
L'arène des étés
Le monde
Le buisson ardent
La couche des amants.
Que puis-je découvrir
Que nul autre n'a vu ?

 

 

 

 

 

Dans la flaque ridée où les nuages reculent
Le vent pousse l'éclat doré d'une feuille.

Je traverse la vie.

 

 

 

 

 

Perdu dans un défi dérisoire
Seigneur d'un monde qu'il ne reconnaît pas
Un homme rêve la mort.

 

 

 

 

 

A l'orée de la nuit
Toutes les étoiles
Seront éteintes.
Qu'importe, l'à venir
J'aurai fait le chemin.

 

 

 

 

 

La richesse de l'entre - deux
Hypostase lumineuse
Douceurs féroces de parenthèses

 

 

 

 

 

C'est au creux de la nef,
               alors qu'elle navigue
    Que brille la lumière qui repousse
                         l'écueil.

 

 

 

 

 

Elle laisse la certitude aux pierres du
                                                chemin
Emportant la lumière fluctuante
                                          de l'ombre.

 

 

 

 

 

Surtout,
Ne pas faire briller la lampe
Mais prendre le plaisir,
                                          à son insu.

                           N'abolit pas le soleil.

 

 

 

 

 

                   Cette tension
Qui me tire à la côte

Peuple le quotidien de mes rêves.

 

 

 

 

 

                Mystère de l'être dans l'être,
Ce souffle ténu me parle d'exil.

              Sa constance m'accompagne.

 

 

 

 

 

Pouvoir à chaque instant
Etre l'objet
De cette inaccessible douceur.

 

 

 

 

 

Savoir à chaque instant
Etre l'objet
De cette indicible douleur.

 

 

 

 

 

Les lettres interdites

Eclatent
Parole au bout des doigts
Etre les autres
Etre soi.

 

 

 

 

 

                                                   Chemin du rêve

 

Obole au Passeur
                      Argus qui veille
La force de l'élan retenu
Habite ces instants où le
                      Léthé s'oublie.

 

 

 

 

 

Passage

 

Les rides de l'eau
Masquent les remous profonds.
Le printemps boudeur
Cède à la force de la Promesse.

 

 

 

 

 

Passage

 

Hier ne présage pas demain
Même s'il habite aujourd'hui.

 

 

 

 

 

Blessures anciennes
Qui refusent
La vérité ressentie,

Blessures anciennes
Qui acceptent
La vérité de l'émoi.

 

 

 

 

 

Douleur
Qui retient à la Terre
L'élan qui pousse au ciel.

 

 

 

 

 

Exilé intérieur, si loin, si près,
Il me reste à chanter les rêves
Des improbables possibles.

 

 

 

 

 

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