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"Et mes mains passent ici et là presque en tremblant,
Et mes pensées s'élargissent à l'infini comme une mer."
Nietzsche - 1862
Le vent s'est levé
Le vent s'est levé depuis les sables anciens. Chaque mot
effacé emporte un brin de moi et je me disperse, me perds
dans le vent, aux voiles de mes bras. Je vole dans l'air
de la vie qui s'éteint, respire, étouffe les naissances et la voix.
Chaque jour vient chargé de nouvelles traces sur les visages,
multiplie les cernes du temps.
Je ne suis qu'une attente sans arrivée, sans quai, sans fin,
un avion de papier couleur sans piste d'atterrissage, plié
sous un rocher du pays du ciel qui cherche un phare au Sahara.
Les grains se sont soulevés depuis les âges. Ils emplissent
nos couleurs, les yeux, ma bouche et notre ventre. Foulée,
éparpillée par les anges et les hommes, la terre que je suis
n'a pas de lieu pour moi. Je garde en mémoire l'odeur
de la poussière des joies.
Enveloppée dans les mots d'une langue qui nous nie, je vole
vers les mirages labyrinthes où j'ai laissé glisser le ciel,
l'air et le soleil.
Chaque seconde parle, ouvre la vie au couteau pour la vider.
Je m'envole, j'écris dans la tempête de sable et je bois
le vent, les grains pour ne pas nous éteindre, vidés aussi.
Au bout du jour qui enveloppe ma gorge, lorsque l'encre
manquera, quand la nuit m’aimera vraiment, elle m'offrira
son encre. Ma noire, ma belle, c'est en elle et par elle
que je continuerai jusqu'au sang fin, à toujours, au delà de vivre.
Une écharpe sur mon visage pour oublier le froid, je
continuerai à écrire à l’encre de la nuit, seule, dans le noir.
janvier 1999
Une voix
Images. Certaines font des taches de lumière sur les mots
fenêtres qui veillent nos vies. Je suis un peu nomade en toi,
parfois, je viens la nuit. Nos souvenirs parlent avec les mains,
agitent la rue. Des gestes pour une langue éteinte
qui se lève doucement, anime ses mille ans. Tu te penches
à la fenêtre des légendes pour l'appeler. Elle est tracée
à l'intérieur des voix. Comme un parchemin elle enserre
notre histoire. Souffle sur les braises, rougeoie.
Une voix
Derrière nos mots qui volent vers la mer passent les mirages.
Je porte sur moi les flacons emplis d'odeurs de fruits.
Au soir, j'en brise un dans ma main. Les fragrances essentielles
frottées sur la peau donnent la couleur du voyage, demain.
Je suis un peu nomade en toi, bleu nuit autour des reins,
pour me couvrir de ton espace. En formules mathématiques,
le sens d'un croisement des vies. Sur le sable, notre passage.
Une voix à notre image
Je sens les ailes de nos pensées se défaire
de ce qui ne compte pas. Sur notre peau l'odeur de pêche, toujours,
depuis que je te connais. J'ai gardé les racines du début de nous.
Je sais qu'elles murmurent les maisons d'herbes inventées
par la mer qui nous aime. Tu berces leur mouvement rêve.
M'habites loin devant.
A la courbure du temps. Une harpe d'images. Ta voix.
13 décembre 1998
Or
Enfance soyeuse Eté allongé dans la chambre du soleil
Odeur de pêches mûres Caves fraîches des fantômes
joueurs
Toi
Ecoute les mots absents Ta voix éteinte m'encercle
La robe de nos jours se déchire Je veille la nuit
pour éteindre les ombres Inventer ces feux du solstice
Te trouver loin autour de moi
Tu chantes " Aux larmes citoyens " puis t'effaces hier
Un goût de pêche sur les lèvres Je souris aux neuf
marches du temps
Ils disent que tu m'as donné la clé Ils aimeraient
que ma vie se fige en pétales de gypse sur la dalle où minéral
tu deviens ce que tu sais
Mille ans à garder ta clé pour ouvrir les fenêtres du monde
Apprendre à lire ce que raconte le sable lorsque tout se tait
un instant Et pour laisser hurler la vie en torrent
Toi
Or dans un sablier
août 1998
Arbres insulaires
Rencontre du jour qui touche terre, s'arrime
au chemin blanc, soleil et poussière du temps.
Les flaques de pierres, un malaise de pluie,
puis vos mains ouvertes au vent du Sud.
J'imagine le battement à nos tempes, longues
sensations d'île, liberté en voix d'eau racontée.
Je vous garde mes arbres voyageurs, en larmes
rouges joie ou potion de silence, et nos yeux
sourient à Montmajour.
Le ciel violet, un mouvement de pas, nos partirs
en racine, la pluie aux regard des fées,
les Lettres au fond du moulin, nos mots de rire,
tout se lie et s'élit. Je vous sais ...
Douceur électrique, brûlure d'écume ... L'amitié
existe privée de mots.
Ce soir la nuit tremble et gagne le moulin.
Solitude Lunaire. Chemin vide qui s'installe.
Je bouscule mon vertige, contemple l'au revoir,
deux arbres gravés serrés, nos rencontres insulaires.
Enfin, je touche le cyclone, émue de vous garder
... Et vous partez.
avril 98 - Fontvieille en Provence
Cargos de silence
Odeurs lumières du sommeil. Quand les étoiles
plongent les rêves au bleu, en affleurement.
Couleurs nues le matin. Au moment d'ouvrir
les yeux.
Puis cette respiration, très loin. Seulement
un battement d'ailes. Une cambrure en haute mer.
Présence, encore, mais en pointillés.
On bascule vers le jour. Traverse des zones
libres. Evite d'approfondir. Vire de bord au midi.
Absence. Les paroles ne servent à rien
quand elle vient. Seulement les couleurs. Juste
un silence. La fêlure de l'éveil.
En apnée, au fond des mots, on cherche
la respiration d'écrire. Mais aujourd'hui, rien.
L'absence. Seulement les couleurs en nappes
intenses, l'estompe du sillage des mots feux
qui passent, s'effacent ... des cargos silences
vers le large.
avril 98
Sémantir
Fin de vie en long temps qui commence
Ta voix fil nouée à la mienne Et hier
ma naissance fauve, petite dans ta paume
Jusqu'au reflux métal de nos gestes,
ce soir.
J'ai peur que tu t'émiettes Je voudrais
assassiner le partir Ton mourir Te garder,
écharpe funambule enroulée à moi jusqu'à
plus d'air Nous serrer J'aimerais.
Demain si tu meurs, je perds les couleurs
Deviens encre de soleil caillou cassé foulé
Mes mots émail d'argile et de jade Mots
de rien et d'airain se déplient en ailes
de pensées, à fond de calme.
Au défilé médiéval d'affection,
je saluerais jusqu'à la terre en poussière
Pour deux siècles encore. Une saison ...
Et demain si tu plonges, je deviens maintenant
un objet sémantique.
Un seul mot ...
avril 98
Etre
Etre l'extrait de nuit
Penché à sa fenêtre
Assoiffé de départ
Etre
Pliée dans un tiroir
Une lettre qui rêve
De voyages rugueux
Etre
Une insomnie nue
L'heure bleue inversée
De cet homme debout
Etre la graine germée du mot qui blesse
L'eau à la bouche des fleuves brûlés
Un regard mistral sur les toits du soleil
Mais l'arrière-saison jamais
Etre l'été par tous les temps l'été
mai 1998
Sauver notre peau
J'aime les tissus de mensonges
La blessure raffinée du lamé d'argent
Les voleurs de vie, solitaires et mortels
Je suis une tribu
Qui prie pour la pluie des mots
Je devine mille et un contes délivrés des nuits
La fatigue d'un bateleur portant son univers
Notre tendresse qui finit toujours au fond d'un puits
Je suis une tribu
Qui prie pour les orages de mots
Ce sont eux que je célèbre en vous
Aucune personne croisée que je n'aie aimée
Ne serait-ce qu'un instant, il figure le temps
Je suis une tribu
Qui appelle la marée d'écrire à flot
La pluie acide des mots nage en flammes d'eau
ondule et prend feu, il est déjà bien tard
Nous sauvons notre peau
A fleur de poème ...
juin 98
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