Constantin Pricop

 

 

 


Edvard Munch : le Cri, 1893
Oslo, Nasjonalgalleriet

LA LUNE PASSE

j'ai expérimenté
toutes les manières de lui parler

la meilleure c'est le silence.

(et chaque fois
que je me fais des photos
les automates me jettent
des photos de Franz Kafka)

je lui parle comme ça chaque soir
à la même heure
l'heure quand sur la ville
tombe
ma mélancolie

je reste devant ma fenêtre
ouverte directement vers le ciel
la lune passe de la marge de gauche
de mon carré de ciel
vers la marge de droite
(la lune passe, les étoiles restent)

je laisse ce temps remplir ma vie
(c'est seulement ça
que je lui dis
avant que la lune
ne sorte du cadre)

 

5 septembre, 1998 - 11 septembre, 1998

 

 

 

 

EXERCICES D’OUBLI

depuis longtemps
je pratique régulièrement des exercices d’oubli.

il y a tant de choses qu’il faut oublier,
les bonnes qui ne sont plus,
les mauvaises, trop nombreuses.

oublier pour ne pas étouffer...

(évidemment...)

c’est comme ça que je regarde
parmi les feuilles métalliques des nuages.

des nuages de zinc
des nuages de fer
des nuages de cuivre.

à chaque seconde
ils aspirent de nous de fines particules

voilà, aspiré par les nuages métalliques...

et je fais mes exercices d’oubli.
aujourd’hui j’ai oublié les amours.

le reste, demain.

 

2 septembre 1998

 

 

 

 

4 SEPTEMBRE 1998

                                     A Mireille Seassau

as-tu été heureux?

je n’ai pas répondu
j’ai laissé la question tomber
une feuille morte
que personne n’attend
une bagatelle, quoi...
scène à Dieppe avec du soleil doux, très doux
(bien sûr, ça va bien pour le décor...)
de la fin de l’après-midi
là haut, très haut, sur les collines
qui étranglent la plage de cailloux
j’ai vu un fort, quelque chose
comme ça; moi j’aime regarder
intensément, jusqu'à ce que je voie
des êtres bleus, translucides et
silencieux, qui volent paisiblement
dans le ciel, au-dessus de nous
vers la mer
pour se jeter dans le soleil couchant.
personne ne s’en est rendu compte
les enfants jouent tranquilles
comme si rien ne s’était passé
les hirondelles de mer
cherchent des restes de repas autour de la terrasse
je sens encore la grande aile translucide me toucher.

 

4 septembre, 1998

 

 

 

 

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