- Neuvième feuillet -
Bois mort de mon regret, qui sèche en brassées rudes, en escapades ; fourrés à
l'abandon, emplis d'escarres : je suis momie de moi.
- Quinzième feuillet -
Carambolages de ramilles sous la futaie, escale sur les trognards : je prends
quelque repos, je légifère. Un tremblement saisit ma canopée.
"Les carnets de l'errant", extraits
© Daniel Bourrion, juillet 2000
J'ai vu la brume coupée, la lumière du matin où se dessinent à peine nos
silhouettes halées, les tuiles rouges, glissées, des vieilles cartes postales ;
la blanche ritournelle.
"Une paupière à la fenêtre", p. 55
© Daniel Bourrion et l'Estocade, septembre 1998
Nos lettres sont sans adresses, nos mots sans sens : on taille la pierre à
grands renforts d'efforts, d'indigestions. C'est la muette présence aux choses
de peu : un geste, une attitude, le grand sorbier tout immobile depuis sa
floraison de givre.
"Les petites partitions de douleur", extraits
© Daniel Bourrion, 1996
Les écorces du puits languissent, une sauterelle fait sa récolte : le vent est
comme du sel sur mes dessins.
"Le livre qui s'efface", extraits
© Daniel Bourrion, 1998-2000
Esquive ma bouche
où dorment les brimbelles
et les mûriers griffés.
Sois bref en ton éternité :
la mort a tant à faire.
"La fente à l'âme", extraits
© Daniel Bourrion, 1996
Va de l'avant, n'ergote pas sur les boutures de la mort, brasse les genêts et
leurs bouquets d'engoulevents. A ta limite, dépasse cette ombre piétinant tes
tourments.
Accueille l'écume, le sang noir des morts. Voici ta gibecière, et puis un peu
d'argile, comme à l'orée du monde ; des enfants sales aux yeux d'amandes ; la
prunelée des engourdis. Voici le grésil piégé dans les ondes vertes, le marais
qui charrie nos filigranes. Voici la houe abandonnée, mâchée de l'écarlate
pêche.
En cette terre, tu glisseras une ramure, et nos cantiques, nos panaches d'or.
Nos eaux seront chapelles ardentes où faneront des porcelaines, nous vivrons de
rapines, d'intrigues dérisoires. Chaque marée viendra en vain pour nous
rapatrier.
"Triptyque pour l'immobile", extraits
© Daniel Bourrion, 1999