Martine
Morillon-Carreau

Six textes inédits


Ouest donneur de nuit
Tableau-poème de Martine Morillon-Carreau
huile sur papier avec papier collé, retravaillée à l'ordinateur

        Depuis hier peut-être et de plus en plus      chaleur des souffles sur la mer
mer de jacinthe depuis hier
et de plus en plus bleue et mauve
        Devant l'étrave ont sauté des poissons volants
        Quelque chose est en marche à l'horizon
quelque chose derrière l'annonciation des sternes et des frégates
épiphanie de nuages puis verte
quelque chose tout au bout du bleu
          Et les hommes se mettant à chanter      ce sont des soldats retour de France
se mettant à rire contre les hivers      les hommes penchés aux bastingages
avec pour seule mesure du temps tam-tam des mains café cannelle
          Sur l'île verte au coeur du bleu des femmes qui leur ressemblent café cannelle      de belles femmes en marche vers les quais
rient et chantent      et les attendent

      Comme au jour du volcan soleil
ici finit la route et le basalte brûle jusqu'à la mer
tout au fond de la vallée sèche il y a ce village en proie aux flamboyants.

      Zénith au parfum des fleurs du frangipanier
il n'y a plus ni avant ni après tu as arrêté le soleil
ni avant ni après
seulement      et marque des élus
cette brûlure au-dessus de nous
marque du ciel où vogue un couple de frégates.

      Voici le sentier le soleil
il est midi sans ombre à la hampe jaune de l'agave
      Claire-voie du portail on n'aperçoit ni la maison ni la mer
mais l'allée la haie l'appel des lauriers-roses jusqu'au ressac paisible
      Ciel blanc brûlure à la chaîne rouillée brûlure aux battants de bois
frisson vert d'un lézard sur l'herbe rousse      puis rien
que lumière et jardin avec plus bas la grève odeurs d'oursins de varech
      On a apporté des piments de l'huile le sirop de canne et le rhum
le pêcheur va bientôt débarquer      il aura des poissons de toutes les couleurs de la tortue peut-être ou une langouste bleue
j'ai cueilli les citrons des goyaves apprête vite le charbon de bois
      Autour de nos mains tremble l'air tremble autour du chant égaré d'un coq      la chambre a baissé ses paupières de jalousies
le lit de courbaril luit sous la moustiquaire.

      Où se font arbres les fougères    lumière oubliée brume grise      mais la moiteur toujours
      Route si peu route on n'y croisera personne
mais telle qu'en elle-même enfin Trace que nous aimons
que nous suivons      sinuant d'abrupts en nuages
désert vert
ses odeurs d'eau de forêt de terre chaude
on a cherché longtemps      révélé jaune et rouge    cet éclat coriace
flammes      luisant au fond des ombres vertes      une offrande de balisiers
      Pas un souffle    ou si peu      mais les bambous pourtant se sont mis aux murmures
quelque part vers les cimes      plus loin      derrière les gris  les verts patience modulée qui s'obstine
le siffleur appelle qu'on ne verra pas
notes lentes      hautes de plus en plus    et comme une nostalgie du bleu.

      Le vent chaud les arbres en juillet fleuris rouges
on dit le vent les arbres les fleurs mais vraiment ni feuilles ni branches au-dessus des troncs      seulement ce miroitement crépitement rouge      parole vive de buisson ardent
FLAMBOYANTS      comme une lumière proclamée
ces fleurs-là oui lumière de sang.

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L'auteur chez Silvaine Arabo
et chez André Duhaime
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