Georges Cuffi

Textes de chansons

 

MA TERRE

 

On en revient toujours là-bas où tout commence
Aux espadrilles folles volant sur les pavés
Les vieux pavés disjoints du port de mon enfance
Enjambant les filets et les poissons crevés

Les paquebots ventrus vautraient leur corps baleine
Et les remous faisaient danser les chalutiers
L’horloge louchait l’heure, égrenait ses neuvaines
Et cadençait le temps pas encore compté

O ma terre
Cette fois l’ancre casse
Tu perds déjà mes traces
Et la saison est longue

O mater
Là-bas saigne ma vie
Un peu de moi qui gît
Parmi ces boîtes oblongues

Et puis les espadrilles attaquaient l’autre quai
Et passaient les tunnels par la trouée du bleu
Et la mer démontée au bout de la jetée
Ouvrait ses embrasures au grand vent lumineux

Le vent tonitruait ses violons de violence
Et l’été du plein Sud exacerbait ses ors
Et l’enfant planté là dans son pays d’outrances
Avalait ciel et mer, ne savait pas la mort

O ma terre
Cette fois l’ancre casse
Tu perds déjà mes traces
Et la saison est longue

O mater
Là-bas saigne ma vie
Un peu de moi qui gît
Parmi ces boîtes oblongues

 

 

 

 

PORTE PAR LE CHANT

 

Comment dire autrement
Ma terre Catalane
Fagot de nerfs crispés
Sur les portées du vent

Comment dire vertige
Et la plongée du roc
Au ventre de la mer
Fouillée jusqu'aux abysses

Comment dire autrement
Que porté par le Chant

Comment dire autrement
La vague transe étrange
Qui fait darder le poil
Trembler l'eau dans les yeux

Quand Lluis de Barcelone
Transcende mon pays
"Parlen de l'Emporda"
Tu me parles de moi

Comment dire autrement
Que porté par le Chant

Comment dire autrement que porté par le Chant
L'explosion le séisme enfanté dans la tripe
Depuis sa résurgence aux dédales des antres
Et cette vibration qui me secoue dans l'arbre
Et qui s'hémorragise en cent mille ruisseaux

Le frisson déraison qui implose au profond
Et sourd à travers corps vers la gorge qui chante
Et le fleuve jaillit violente le silence
Et mon chant se libère et envahit le vent

Comment dire autrement
L'amour force d'orage
Etreinte végétale
Moiteur serre sacrée

Comment dire tendresse
Aux contrées d'épiderme
Et puis la délivrance
Et le cri parallèle

Comment dire autrement
Que porté par le Chant

Comment dire autrement
Mes amitiés de bronze
Les rires en résonance
Les yeux plantés au coeur

Comment dire ce pacte
Soudé à quatre mains
Cette arche hors de la vie
Où bivouaque la horde

Comment dire autrement
Que porté par le Chant

 

 

 

 

IL RESTE UN BOUT DE VIE

 

Il reste un bout de vie et un bout de regard
A faire coïncider jusqu’à la note ultime
Quand au dernier accord implose la guitare
Que les doigts se replient sur la dernière rime

Il reste cet amour né sur l’île couteau
Au temps des cheveux drus crinières enchevêtrées
Il reste la blessure où saignent des reflets
Sur le port de l’enfance et du vent et de l’eau

Il reste enfouis profond tous mes morts que j’exhume
Dans mes rêves furtifs dans mes sommeils brisés
Les yeux bleus de mon père avant les temps de brume
Et ma mère ma chair au regard étoilé

Et plus loin la marraine aux rires et aux neuvaines
Et le grésillement odorant des fourneaux
Et l’homme au tablier remontant le phono
Le bric-à-brac des livres et le poste à galène

Il reste sur le tard la seconde mémoire
Le frangin qui le soir interroge ses mots
Sur l’écran lumineux scrutant sa préhistoire
Traquant éperdument les années du chaos

Il reste les copains la trouée dans le noir
Le banquet des paroles au fond des yeux miroir
Il reste ces couleurs à peindre sur le soir
Il reste un bout de vie et un bout de regard

 

 

 

 

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