Lire Robert Cuffi, c'est parler au terrain d'ami, rogue et rêche, avec le regard noué, là-bas, dans la voix, très loin, dans l'île sans rivage.
Que nous dit-il ?
Son chemin replié, ses murs étendus, tout ce qui peut s'habiller en souvenirs, et des vagues, et des rages, et des espoirs de dent creuse à combler. Sur le métier du passé il remettra sans cesse au point, ajusteur, lapidaire ou hermétique, l'orgue des sentiments et le jeu tranchant du ressentiment. Par ce biais il nous rend -le mot n'est pas assez fort- deux fois sa vie.
Nageur trouble des biefs du cœur, il marche à l'émotion, l'émotion c'est sa trique. Je suis sûr que la fin de ses textes il la voudrait signée d'un "qu'on ne m'en parle plus, je suis ailleurs ! " mais heureusement il se souvient du livre bleu des noyés, celui qui se remonte comme un signe.
Il sait les déchirures et sait les décompter invariablement dans le poème musiqué lancinant, galop de cordes et de flèches, tendu et ciblé. Et l'homme jouit de l'éclat des phrases éclatées, des appositions multiples, déstabilisantes, interrogatrices, sincères et ce, pour dire au plus vite. Il pratique le raz de marée. Et que le char se mette en route dans le voyage immobile d'un rêve intérieur qui besognerait le monde ! car sa carte s'est dressée définitivement très tôt, secrètement entre Nice et Collioure.
Se voudrait-il maudit au sens poétique du terme ? Certainement. Romantique ? non (ou alors il le cache bien !). Contemplatif non plus mais de lui-même, sans concession, comme un ego mal adressé, délaminé et toujours cette urgence de devoir, par l'écrit, au mieux le recentrer. Robert Cuffi se montre du doigt avec une grande pudeur.
Le paradoxe est là, plateau dressé de doutes et de certitudes.
Aime-t-il tant la clarté qu'il se retrouve bien trop flou,
bien trop fou
dans le poème où rien ne ment
Bernard Flucha