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L’accord est difficile quand le soleil taraude.
Assis dedans, alors qu’il faudrait
sortir, bouger, sentir les muscles de ses cuisses,
sur le chemin qui monte, abandonner
l’horreur d’attendre la douleur qui ne saurait manquer
au rendez-vous de la lumière.
Les paysages sont trop indifférents,
ils ne savent pas qu’on les regarde se défaire.
Les mares sont des regards vides, les fossés seuls
semblent savoir l’ignorance qui creuse,
petite plaie au cœur, fourmi au bout des doigts.
Cette année, rien ne poussera,
fougères, jonquilles resteront souvenir de l’an passé,
le nez contre le bois de la table, je serai là. Et toi ?
On marche sur le sable, mes talons me font mal,
on voit au loin un pêcheur qui attend,
un chien qui tourne en rond
et qui devient peut-être fou
de ne trouver aucun bâton.
Les blockhaus sont toujours là,
ils bougent pourtant imperceptiblement,
s’engloutissent et réapparaissent
selon le temps qu’il fait,
les tempêtes et les marées.
Les enfants vont nager dans des trous à crevettes
au ras du béton tatoué
sans que la peur de perdre pied
avec des rires et des pleurs ne ramène l’horreur
des guerres d’autrefois.
Plages, cirques, horizons du temps mort.
La trace de tes pas, quel argile la ravira ?
Pour te suivre, j’ai peine au cœur et aux tendons.
Je respire ta voix qui m’appelle de loin.
De loin, tu marches vite, je n’entends plus crisser
les gravillons, les étincelles éteintes
juste après le tournant, le silence
et puis l’or de ton passage dans ce qui reste
du mouvement de l’air,
de l’herbe brisée que tu croque doucement
en avant, loin de moi, je n’entend rien.
Tu ne chantes pas.
Des souvenirs avec le temps, on fait ce que l’on veut,
des poèmes tordus pour complaire à ces dames,
des senteurs d’aubépine, des goûts de madeleines,
des paysages obscurs pour des rêves prévisibles
et surtout, avec un peu d’application,
des mensonges parfaits comme on le dit des crimes.
Je n’ai pas rencontré de vénitiennes blondes.
Je n’ai pas rencontré de vénitiens rouquins.
Dans le vaporetto du soir vers le Lido,
j’ai offert du feu à un jeune homme triste
qui m’a parlé jusqu’au débarcadère
de l’île aux chiens perdus
que nourrissent de bonnes âmes le dimanche,
venues tout exprès dans des bateaux chargés de
sacs de viande et d’os.
Il avait la voix traînante, affectée de celui
qui s’applique.
j’ai pensé qu’il prenait peut-être quelques neuroleptiques.
Avant de disparaître dans la nuit, il m’a demandé
avec insistance si j’habitais Paris.
Déçu de ma réponse, il m’a quand même remercié
de lui avoir parlé français.
Il a encore dit quelque paroles sur Paris,
Paris qu’il connaissait,
où sa mère exilée depuis dix ans
vivait loin de lui.
La marée a ses mystères
quand on a oublié son calendrier.
Tu demandes elle monte ou elle descend ?
Et je ne suis pas sûr,
il faudrait pour repère une épave,
une souche venue d’Espagne, une guitare échouée
et rester immobile, le regard fixe, ensemble,
dans l’attente d’un chant enfin,
ou malgré le vent d’un silence de mauvais augure.
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