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La terre seconde
Rive des eaux mortes, cil des firmaments, ponton de planches froides. Roseraie dépouillée, cri du lointain. Un flanc de colline dresse sa masse, tympan du paysage. L’écoute repose en son nid, le regard prolonge l’écoute. Comme un vieillard dispose son lit de paille, la houle ridée du soleil de l’ancien hiver dépose ses effets pour la lente saison. Rumeur et embrun tachent la tempe.
Rangée du jonc dressé, prairie de la flaque et de la pierre. Une ombre passe sous la scène des flots. La musculature des fonds frémit. Ricoche et meurt un caquetage de mouette. L’agrafe des labours retient la rêne des hautes terres emballées. Brille un sommet étincelant, son cirque acrobatique recèle la lumière.
L’arrière-cour donne sur la steppe. Tu y vois, vieillard : karst, mica et schiste, calcaire mêlé à l’ossement, monnaies éparses frappées il y a mille ans. Épaves inamovibles et amphores parsemées de la route marine. Tout en ce lieu est passé. Le sable coule entre tes doigts et le vent l’emporte avant d’être à terre. Des futaies épineuses entravent le passage, ta main y recueille, éraflée, des fruits mauves et rouges.
Ici, vieillard livide, tu marquas ton arrêt, celui pour lequel tu vécus, celui que les hommes jugèrent. Ici tu marquas le leur, celui édifié par ton œuvre, celui exsangue qui est puits d’avenir. Vois maintenant ces mûres, leur suc aigre-doux craque et gicle au fond du palais, chlorophylle pour tes veines tendues : ainsi frémissent les lèvres gercées de la terre seconde et future.
Blanche
Feuille d’acanthe
Âge de silex
Fleur d’agate
Lac de sel
Arc de nerf
Résine d’ardoise
Pont de sein
Lettre d’argile :
fondent sous l’océan, cimetières d’astres enfouis, pluies de rhizome, pyrite battante, lait d’atome.
En cette surface luit la lèvre à jamais pétrifiée d’une gorgone de soi jaillie et à soi rendue, tentacule verbale frappée d'un vieux rêve.
Mer ossuaire close en ses tranchées : balance du coeur de pierre.
Vénerie arabe
L'heure est aux soleils perforés et à l'ancienne franchise. Papiers peints de l'âme, laques du corps et raisons artérielles, vous venez tôt rappeler la fraîcheur à l'absent. La terre s'ouvre large aux bas soleils montants et la bêche des heures remue l'infime poussière, la pulvérulence apposée.
Le pétrisseur de ses propres mains entre dans l'atelier de son torse, tiède encore des labeurs passées, mais la nourriture violette manque, le pain battant sourd de la respiration rouge, de la tempe franche affolée, de la corniche caressée par les doigts d'ambre.
L'outil chaud de ses ombres sera mon raisin de Smyrne, ma vénerie arabe, mon sac de lumière parente.
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