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Honte à l'humanité
Il restait du sang et des cheveux collés à la lame du rasoir. Dehors, on entendait les chants de la victoire, et bientôt on l'entraînerai en plein soleil, nue, des signes tracés sur son corps à la peinture noire, pour être exposée à la haine de la foule.
C'est folie, folie que tout cela, disait-elle sur un écran de cinéma -vingt ou trente ans à présent, je ne sais plus- de toute façon est-ce que j'en garde encore la trace ? Tu vois bien que déjà c'est loin, que nous sommes nés d'un autre temps.
Tu te trompes, nous sommes nés de ceux qui l'ont traînée sous l'ardent soleil de midi, alors que la veille, ils souriaient au monstre en tâtant dans leur poche l'argent de leurs trafics. Nous sommes nés de ceux qui ont piétiné son corps tendre après l'avoir marqué à la peinture noire.
Puis, lorsqu'elle eut jeté ce dernier regard sur le passé, elle s'éloigna le long du boulevard, sereine, rassérénée. C'était la fin de l'été, les flippers chantaient dans l'ombre des cafés, ce soir de fin de siècle était un beau soir, sans doute.
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