|
|
|
|
|
Libellule à la proue
Recueil (extraits)
 Collage de Frédéric Vignale illustrant l'oeuvre de Philippe Bailly
Mon ami sans adresse
mon ami sans adresse
je t’écris ce mot
pauvre forain illustrant ses cibles de lunes
tu as vu ton amour
se séparer de lui-même
je te vois maintenant
rêver sans parole avec les choses
et sur les choses je le sais
il y a parfois
trop de mélancolie
mais regarde
la nuit est une harpe brillamment picorée
qui n’attend plus que toi pour en jouer
tu es poète mon ami
ta ligne d’amour est libre
d’être folle
Pour Alain Harmand
Camille de Rijck dit Mon ami sans adresse en Real Player (214 Ko)
Epitaphe
vous que j’aime et qui m’aimerez encor
quand la terre sera lourde à ma poitrine
sans vous commander je vous demande
d’être de ceux qui hèlent les nuages
car dans l’un d’eux parfois vous me verrez
blotti tout contre son épaule coiffé de ses boucles
vous m’y verrez, simplement, prendre un bain
naître de ce que l'on aime
naître des saisons
du gel vitré d'étoiles
du mimosa qui éclairent un chemin
de l'arbre noyé de vert ou bien rouillé
naître du sourire d'une enfance
naître de la ligne
flûte d'encre où souffle la lumière
I
alors qu'en moi
qu'en ces mots
qui disent coquelicots
ce vent rouge
sur quelques crêtes des vagues du blé
plus rouge qu'eux
II
être un nuage rouge
dans le ciel d'or des blés
III
et pourtant
ces coquelicots
au-delà du mot qui les nomme
au-delà de l'eau morte
de toute mémoire
comme ils sont
beaux vrais neufs et frais
comme ils sont
rouges
dieu est rouge
Pour Anne-Lise Pedersen
quelqu'un tricote le ciel
quelqu'un qu'on ne voit pas
quelqu'un
une hirondelle dans chaque main
au mois d'août
le soleil à son pic
j'allais, j'écartais les blés
navigant solitaire, libellule à la proue
ces coqs végétaux
dont j'étais le Robinson
ces petits pavots sauvages
brûlant au liseré des blés
sont bien là
toujours, mon coeur
il nous faudrait
foutre le feu à la savane de vivre
n'avoir de pays
qu'où neige une enfance
dans sa clarté d'oubli de soi
naissante d'un brin d'herbe
d'une amitié au regard
d'amoureuses douceurs
alors un jour
peut-être, la terre
verte comme un citron
je me mélange à l'air
où tu reposes
je rêve
car il y a un peu trop de
terre
sur ton visage
Pour marguerite Burger, "mimie"
étoilé de senteurs
mon murmure effeuille
vos caresses lointaines
et c'est pour cela
qu'au bout du vent l'eau frissonne
dans la cour de l'école
c'est dimanche
reste, le bonhomme de neige
dont quelques corbeaux sont les cris
Pour Stéphane
dans le sous-bois tendre et vert
je vous imaginais nue
vous nagiez dans la lumière écaillée de feuillage
tout au bout de mes promenades
au plus haut de l'aube
je vous attendais
sous le toit où s'écrit la dictée des saisons
dans le grenier aux vieillesses de pommes
je vous attendais
les rideaux neigent en silence
je me souviens
entre l'orange et toi
au regard
beau comme un bilboquet
il manque les abeilles
les abeilles
qui sont l'air du miel
de tes mains
lorsqu'elles s'ouvrent à l'oasis
loin
d'une ville
pleine de barreaux et de pluies
Pour Cherif Madine
|
|
|
|
|
|