Roland Topor
Iles de la société

 

Ce texte est extrait du Catalogue Iles publié aux éditions Gallimard.
Exposition de la Bibliothèque Publique d'information du Centre G. Pompidou (1985).
Citation avec l'aimable autorisation de Mme Christiane Abbadie-Clerc,
co-auteur et commissaire de l'exposition. Tous droits réservés.

 

 

 

L'accès de l'île déserte, au demeurant fort belle, était gâché par une ceinture de bidonvilles à la dérive, où s'entassaient les naufragés les plus déshérités.

 

 

Les naufragés de la seconde génération se prétendaient sans rire plus insulaires que l'île.

 

 

Ils mettaient un point d'honneur à se comporter comme si l'île était un lac.

 

 

Lorsque l'île déserte fut, comme tant d'autres entreprises, dénationalisée, la première assemblée générale des actionnaires fit salle comble.

 

 

Certes, le général Westmoreland aurait pu aussi réduire cette île à l'état de parking, mais à quoi bon ?

 

 

Dans cette île déserte, le régime de parti unique récemment mis en vigueur témoigne d'une véritable volonté d'ouverture démocratique.

 

 

Un L monumental au centre de l'île lui permit de situer sa position sur la carte : légèrement avant l'extrémité orientale de Coca-Cola.

 

 

Par suite d'une erreur de manoeuvre du Grand Timonier, l'île, jadis déserte, abritait plus d'un milliard de Chinois.

 

 

Un décret ministériel, paru dans le Journal officiel, stipule que l'île déserte prendra désormais le nom de République populaire de l'Ile Déserte.

 

 

A mesure qu'il s'élevait, l'île s'enfonçait dans la mer. Au moment précis où il atteignit son point culminant, elle coula à pic. Bon gré mal gré, il dut se remettre à nager.

 

 

L'île d'origine pourtant volcanique avait subi une forte érosion monétaire.

 

 

La saisie à laquelle procéda maître Lecrabe, huissier de justice, laissa l'île déserte et sur le sable.

 

 

Avec ses rondeurs et ses zones d'ombre, ses sources et ses sous-bois, elle n'était pas trop mal foutue pour une île déserte.

 

 

Ses titres et sa réputation lui ouvrirent grand les portes de l'île déserte.

 

 

Sur cette île déserte se produisait un curieux phénomène, analogue aux mirages sahariens, qui donnait l'illusion qu'elle était habitée.

 

 

Le naufragé, fameux dompteur d'un cirque de Hambourg, dressa, organisa et arma une tribu de grands singes belliqueux qu'il lança victorieusement à la conquête de l'archipel.

 

 

L'île, en apparence déserte, était infestée d'espions déguisés en plantes grasses.

 

 

Le sous-sol de l'île se révéla d'une richesse prodigieuse en dessous féminins. Je découvris même une mine de porte-jarretelles à fleur de sol sans équivalent dans le monde civilisé.

 

 

Pour attirer l'attention des navires, ils eurent l'idée d'allumer et d'entretenir un grand feu sur la plage, dont la fumée ajoutée à la vapeur d'eau noya la région dans une apparence de brouillard.

 

 

Dans la partie la moins hospitalière de l'île déserte, un panneau indiquait l'endroit réservé aux nomades.

 

 

La pointe septentrionale de l'île était recouverte d'une végétation luxurieuse, qui poussait à une allure telle qu'il fallait la raser une fois par jour.

 

 

L'île déserte avait des horaires calqués sur ceux des pubs de Londres : quand ils étaient fermés, elle se remplissait.

 

 

Outre son élégance naturelle, l'île présentait un avantage peu banal : elle était réversible.

 

 

Comble de malchance, la seule cabine téléphonique de l'île déserte était occupée.

 

 

L'île était devenue le plus gros producteur mondial de vert véronèse. Lorsque les cours s'effondrèrent en 86, elle se vida et devint déserte.

 

 

Cette île déserte poursuit un but louable : donner raison, ne serait-ce qu'une fois, aux absents.

 

 

Un colossal monument au naufragé domine l'île déserte. Il a malheureusement attiré les rats, les pigeons et les touristes.

 

 

Il prit l'habitude de dire JE en parlant de l'île, et IL en parlant de lui : sa raison avait chaviré.

 

 

 

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