Quelques généralités sur l'approche systémique

et sur les techniques Qualité

Francité

 

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1- Généralités
2- La modélisation systémique-
3- Variété et redondance-  
4- Auto-organisation et complexification-
5- Le pilotage d'un système-
6- Organisation et complexité-
7- Les processus-
8- Les techniques Qualité-
9- La formation d'adultes-
Concluons
 

1- Généralités

Un système n'existe pas à l'état naturel. L'approche systémique n'est qu'une méthodologie de représentation, de modélisation d'un objet actif (lui-même ensemble d'éléments actifs en interaction dynamique) finalisé, physique ou immatériel, en interaction avec ses environnements par l'intermédiaires de flux (énergétiques, informationnels ou matériels - de l'énergie informée-) sur lesquels le système exerce une action: flux qu'il modifie et "processe" (1) . Cette modélisation, complémentaire de techniques plus analytiques, ne vise pas une "vérité" intrinsèque, mais seulement une meilleure connaissance de l'objet d'études à des fins d'actions futures.A partir de l'étude d'objets actifs de plus en plus complexes, jusqu'aux systèmes vivants les plus évolués, les théoriciens ont effectué une synthèse de leurs principales caractéristiques: c'est l'approche systémique.

Une représentation systémique pose en principe trois niveaux logiques et seulement trois niveaux logiques :

1- les environnements du système,
2- le système en lui-même, à partir de ses frontières,
3- ses composants internes (sous-systèmes ou processeurs). La représentation n'entre pas dans l'analyse des processeurs eux-mêmes. Si nécessaire, pour approfondir la connaissance, il faut concevoir ce processeur à son tour en système, ce qui lui est extérieur se mutant en environnement.

Un système est toujours doublement finalisé.

- Il possède les finalités propres de l'objet modélisé, si tant est que ces finalités nous soient totalement accessibles.
-Il est en fait, surtout finalisé par l'observateur-concepteur qui, à partir de ses objectifs d'étude ou d'action, sélectionne certains traits de l'objet et le dote de projets.

Une approche systémique ne prétend jamais à l'exhaustivité ni à l'objectivité. Elle conçoit et modélise l'objet d'étude au moins autant qu'elle ne l'analyse, et ceci à des fins opérationnelles.

Toutes les définitions insistent sur le fait qu'un système est la totalité organisée d'un ensemble d'unités actives organisées et solidaires, en relation-interaction entre elles et en relation-interaction avec un/des environnements par l'intermédiaire de flux identifiables qualitativement et quantitativement. Quasiment tous les auteurs insistent aussi sur le fait que, pour un système évolué, auto-organisateur, la stabilité n'est que dans la finalisation, la poursuite obstinée du ou des projets, et maintenue par de constantes évolutions organisationnelles.

Un système est à la fois moins et davantage que la somme arithmétique de ses parties. L'organisation et les relations que nouent les éléments actifs entre eux font émerger de nouvelles propriétés mais font corollairement perdre certaines potentialités qu'auraient ces "parties" prises isolément. Cette problématique est fondamentale pour tout ce qui touche à l'apprentissage des systèmes complexes: des propriétés émergentes irréductibles à la simple somme des acquisitions et largement imprédictibles dans leur totalité se "révèleront", certains effets, dont certains peuvent se révéler "pervers" résulteront de ces acquisitions.

Un certain nombre de points propres à l'approche systémique nous semblent importants dans une problématique de la qualité et celle de la formation.

1- L'ensemble des développements sur l'approche systémique est directement inspiré d'une des bibles de ce domaine: JL LE MOIGNE " La théorie du système général" - PUF ainsi qu'une de ses suites, du même auteur "La modélisation des systèmes complexes" AFCET Systèmes - DUNOD 90. Retour au texte

2- La modélisation systémique-

La modélisation systémique intègre des modalités de représentation plus anciennes (par les causes, les fonctions, les structures...) et peut se résumer , après avoir défini un objet d'étude en tant que système, en:

• Finaliser la représentation du système, c'est à dire, en fait, sélectionner une partie d'un "objet d'étude" ou un de ses aspects, détailler ses fonctions principales et celles de ses processeurs.
•Finaliser le système, définir son/ses projets principaux.
• Définir qualitativement et quantitativement les Entrées et les Sorties en relation avec le projet: les relations avec les environnements de référence
• Définir ses activités: les modifications que subissent les flux d'entrées avant leurs sorties.
• Analyser sa structure ( l'organisation et les modes de transactions internes).
• Modéliser ses procédures d'évolution.

Répétons-le, la modélisation systémique n'est qu'une méthodologie de représentation opérationnelle (à des fins d'actions), posant d'emblée qu'une connaissance exhaustive n'existe pas et acceptant des "trous noirs". Ses représentations ne sont ni vraies ni fausses. Elles sont utiles pour l'action future, permettant une certaine prédictibilité ou ne le sont pas (et donc sont contingentes de leur évaluation à postériori).

Selon JL LE MOIGNE, sera un système l'observation-conception d'un objet en neuf étapes, chacune positionnée sur un référentiel Espace-Temps-Forme :

1- Doté de frontières définies, identifiables
2- Actif, processant des Entrées et produisant des Sorties,
3- Possédant un mécanisme de régulation interne (en quantité et en qualité) de ses Entrées et de ses Sorties,
4- S'informant en interne (ce qui découle obligatoirement des mécanismes de régulation) afin de piloter ses régulations,
5- Décidant de son activité, de ses comportements et doté de projet, c'est à dire doté d'un espace de comportements et d'activités.
6- Doué de mémoires et mémorisant, et ce au moins à deux niveaux:
- une mémoire "volatile" lui permettant de traiter ses informations,
- et si le système est auto-organisateur, une mémoire durable, lui permettant d'emmagasiner ses expériences et d'apprendre.
7-Coordonnant ses processeurs, ses fonctionnements et ses activités (notamment l'informationnel, le décisionnel et l'opératoire) dans le cadre de ses finalités. Ce qui se rattache aux propriétés décrites en 5.
8- Capable de "raisonner sur" et de computer les symboles mémorisés et donc capable d'imaginer et de s'auto-organiser ( dans le cadre d'une auto-éco-ré-organisation ).
9- Capable de s'auto-finaliser et donc de s'adapter et évoluer si sa "niche écologique" se modifie.

J. de ROSNAY (2) insiste par ailleurs sur la notion de stock, de "réservoir", d'accumulation préalable comme étant une des caractéristiques d'un système. Ce concept rejoint, par certains côtés, celui de redondance. Un système pourra évoluer s'il possède du stock .

2- Joël de Rosnay "Le macroscope" - Seuil 1975. Retour au texte

 

3- Variété et redondance-

H. ATLAN (3) illustre l'évolution d'un système complexe entre les deux axes du cristal, à haute redondance organisationnelle (où les structures microscopiques et macroscopiques sont analogues, où la communicabilité entre les éléments est maximale, pouvant entrer en résonnance, mais où une perturbation brusque peut faire éclater la structure) et celui de la fumée (qui, pouvant s'adapter aux moindres perturbations de ses environnements évolue jusqu'à dissoudre le nuage initial).

Il distingue la "redondance" structurale (indifférenciation) initiale de la redondance fonctionnelle (polyvalence) "qui exprime l'efficacité de l'organisation dans sa résistance aux changements aléatoires". La redondance fonctionnelle est en fait un concept complexe dans lequel entrent autant une certaine polyvalence, que les capacités communicationnelles et de coordination inter-éléments.

La notion de redondance telle qu'elle est décrite, couvre à la fois de l'indifférenciation fonctionnelle (et donc de la polyvalence), mais aussi des potentialités polymorphes discrètes capables de se révéler au fur et à mesure des interactions avec l'environnements et par apprentissage. Comme le décrit JP DUPUY (4) "Ce qui est finalement appris n'est pas l'empreinte d'une forme déjà présente dans l'environnement, mais résulte d'une interaction productrice de nouveauté et de différenciation".

H. ATLAN explique qu'un système, pour évoluer au gré des perturbations qu'il perçoit dans ses environnements, va puiser dans sa redondance initiale pour accroître les spécialisations de certains de ses processeurs afin d'exploiter plus et/ou mieux de nouveaux environnements. Or la redondance initiale d'un système auto-organisateur s'épuise, d'où la nécessité d'un investissement permanent pour en re-fabriquer. JL LE MOIGNE développe sensiblement la même argumentation à partir de la notion de "graisse du système".

La notion de "variété" d'un système demande qu'on s'y arrête. Elle est une donnée initiale, structurale et fonctionnelle, qui recouvre à la fois la différenciation des éléments et la différenciation des agencements et des relations/transactions entre ces éléments.

Elle recouvre tous les états, les comportements possibles d'un système qui sont sont réversibles:

• La variété peut augmenter par la création de nouveaux processeurs. Une entreprise qui se lance momentanément devra spécialiser un poste ou créer une cellule "Commerce International" si elle veut gérer efficacement le maquis complexe des règlementations, des transitaires et des assurances propres à ce secteur.
• Elle peut aussi augmenter en poussant la spécialisation de processeurs déjà existants. Dans le service comptable d'une entreprise, on peut spécialiser un poste sur les encaissements, l'autre sur les versements.
• Elle peut dépendre de l'inversion ou de la création de nouveaux flux inter-processeurs, établissant des états momentanément stables différents. Le foie, en période de repos, reçoit et stocke des sucres provenant de la digestion. En période d'activité, il bloque cette accumulation et libère les sucres vers les appareils en activité.
• Enfin, à partir de certains seuils, l'augmentation ou la diminution du débit de flux inter-processeurs peut amener des organisations différentes. Lors d'une activité physique intense, le système circulatoire dirige, en priorité, le flux sanguin vers les muscles en activité.

La variété prend autant en compte les processeurs que l'organisation des flux processés. Comme le souligne ATLAN, "une variété dans la structure et les fonctions du système est un facteur indispensable d'autonomie", c'est à dire la capacité à maitriser à son avantage, en fonction de ses projets, une partie importaznte des perturbations perçues.

Insistons encore sur le fait que tout accroissement définitif de la variété et/ou des performances d'un système devra se payer d'une élévation de sa redondance afin que le système conserve son adaptabilité et ses facultés autorganisatrices. Nous reviendrons dans les chapitres suivants sur les conséquences de cet axiome dans le domaine de la formation.

3- Henri ATLAN: "Entre le cristal et la fumée" - Seuil & interventions au Colloque de Cerisy "L'auto-organisation" - Seuil. Ces thèses rejoignent les problématiques de J. PIAGET d'une évolution par "Assimilation-Accomodation" et d'H.A. SIMON de "Différenciation-Intégration". Retour au texte
4- Jean-Pierre DUPUY "Ordres et désordres, enquête sur un nouveau paradigme" - Seuil 82 . Retour au texte
 

4- Auto-organisation et complexification-

Les modalités d'évolution d'un système auto-organisateur rompent avec un modèle mécanique. L'auto-organisation est définie par la capacité, pour un système, de faire évoluer une (des) fonction (s) par des facteurs extérieurs "dans lesquels aucune loi préfigurant une organisation ne peut être établie" (H. Atlan). Cette non-perception de lois étant celle, initiale, du système bien évidemment (et pas celle d'un éventuel observateur extérieur qui pourrait calculer des probabilités). Autrement dit, dans des limites fixées, des perturbations issues de l'environnement (des "bruits") seront utilisées par le système pour:

- préserver son organisation,
- ou accroître ses capacités organisationnelles.

Dans le cas d'un système auto-organisateur qui prospère, il y a non seulement croissance, mais aussi complexification du fait de l'obligation de gérer les incertitudes croissantes issues de l'élargissement des environnements dans lesquels il se déploie:

• De la croissance, quantitative en matière, énergie et/ou informations,
• Une élévation de la variété interne (et la spécialisation de plus en plus forte de certains sous-systèmes),
• Corrélativement, une élévation des redondances organisationnelles et fonctionnelles internes, des capacités d'intégration (ce qui peut se ramener à l'élévation des capacités communicationnelles des sous-systèmes).

En outre, ces évolutions irréversibles, morphogénétiques, s'effectuent à l'issue de processus eux-mêmes complexes, dont les modèles modernes sont dans les théories de l'ordre par le bruit, du chaos, de la turbulence, de la "structure dissipative" (5) . Elles s'inscrivent dans des modalités de type darwinien, sélectionnant, parmi des fluctuations, des expérimentations, des tentatives.... celle qui va conduire à une oscillation réorganisatrice fortifiant le système dans le cadre de nouvelles relations avec ses environnements de références ou de nouveaux projets.

JL LE MOIGNE distingue 4 niveaux de changements:

• La régulation, maintenant l'organisation à l'identique par la mise en œuvre des rétroactions négatives, pour répondre à des fluctuations passagères des environnements.
• L'adaptation par création de nouveaux programmes ou par re-codage, afin de répondre à des modifications durables des environnements. Nous entrons dans l'apprentissage.
• L'adaptation structurelle par modification des projets du système et, généralement, l'adjonction de nouveaux processeurs. Nous sommes toujours dans l'apprentissage.
• La morphogénèse, par adoption de nouveaux projets dans des environnements changeants. La stabilité se définit alors non plus par l'invariance de la structure mais par la satisfaction permanente des projets.

Comme le soulignait A. KOESTLER (cité par LE MOIGNE): "On peut décrire le processus d'évolution comme une différenciation de structure et une intégration de fonctions. Plus les parties sont différenciées et spécialisées, plus il faut de coordination pour former un tout équilibré".

5- Ilya PRIGOGINE et Isabelle STENGERS "La nouvelle alliance " - Gallimard 83. Retour au texte

 

5- Le pilotage d'un système-

Dès lors, le pilotage, le contrôle, l'assurance d'un système, d'une organisation vivante, découlent de ces modalités de représentation et permettent la transition avec les conceptualisations issues du champ de la Qualité:

A- Le contrôle des activités, ce qui se traduit, en concepts qualité, par la maîtrise des processus.
B- Le contrôle des Entrées et des Sorties, c'est à dire des relations avec les environnements.
C- Le contrôle des transactions internes, ce qui peut se traduire par la contractualisation de relations Clients-Fournisseurs internes, le contrôle de l'organisation, du management, du système de communiation interne.
D- L'analyse des performances, mais aussi, à un autre niveau, le contrôle de la pertinence du projet, finalement très proche de l'analyse stratégique.
E- Le contrôle de l'atteinte des divers objectifs et donc, aussi, des modalités d'évolution.

6- Organisation et complexité-

Le terme d'organisation est polysémique: il désigne autant un objet actif que ses modalités internes de gestion. Edgar MORIN (6) développe le concept d'auto-éco-re-organisation en tant que paradigme de l'organisation dès lors qu'elle est complexe.

• le préfixe Auto désigne l'autonomie nécessaire de l'organisation, la capacité d'auto-organisation.
• le préfixe Eco exprime un fonctionnement obligatoirement ouvert, échangeant avec des environnements.
• le préfixe Re désigne les modalités de réorganisations indispensables pour, à la fois, se maintenir et se développper.

Chacune de ces dimensions suppose un processus de "bouclage". L'auto-organisation possède ses mécanismes propres, l'éco-organisation aussi, de la même manière qu'existent des processus fixant le ré-organisations. Le tout possédant ses méta-mécanismes de boucles caractéristiques de l'identité et de l'autonomie et la capacité de produire du nouveau, irréductible à la somme des parties initiales et du peu prédictible.

L'organisation d'un système est constituée de l'ensemble des mécanismes qui modifient ou peuvent modifier sa structure (en réponse à des perturbations perçues) afin que son organisation générale reste constante.

Mais c'est aussi, à un second niveau et pour les systèmes complexes auto-organisateurs, l'ensemble des mécanismes qui peuvent modifier l'organisation générale afin de s'adapter à l'évolution des projets du système. Apprendre, c'est s'auto-éco-re-organiser.

JL LE MOIGNE (7) décrit le modèle canonique de l'organisation comme les propriétés à la fois:

• de maintenir et de se maintenir,
• de relier et de se relier,
• de produire et de se produire.

Il définit une méthodologie de représentation d'une organisation, une "organise-actions". Un système::

• FONCTIONNE: Maintenir, relier, produire,
• et SE TRANSFORME: Se maintenir, se relier, se produire,
• DANS un environnement,
• POUR des finalités.

Dès lors qu'il s'agit d'organisations sociales, LE MOIGNE décrit un modèle "inforgétique" de l'organise-action (informationnel et énergétique) par la conjonction de 9 fonctions:

Produire, Maintenir, Relier
Computer (traitement de symboles), Mémoriser, Communiquer
Comprendre (ex-pliquer, donner du sens), Finaliser, Concevoir (élaborer et raisonner sur des modèles).

Chacune de ces 9 fonctions fondamentales doit être mise sous contrôle et se traduire par des objectifs organisationnels stratégiques sous peine de réveils difficiles. Chacune de ces 9 fonctions est susceptible d'entrer dans une problématique de l'apprentissage.

E. MORIN souligne la nécessité d'avoir une "vision clignotante" pour appréhender la réalité. En organisation, c'est tout aussi impératif, notamment entre une représentation par flux et celle, de type organigramme, par unités fonctionnelles hiérarchisées.

A- La représentation de type organigramme permet de détailler les missions et fonctions et surtout de mettre en scène les hiérarchies. Elle ne correspond cependant pas, comme le montre H. LANDIER (8) , à la seule réalité possible.

Entre deux processeurs, le premier (N), supérieur hiérarchiquement, fixe les finalités du second ainsi que le référentiel des champs Espace-Temps-Forme dans lesquels il aura à les atteindre. Cela suppose un mécanisme de rétroactions/ régulations/contrôles à deux étages, celui du réalisateur (N-1) et du donneur d'ordre :

Les sorties de N-1 sont contrôlées par lui, à l'intérieur d'une fourchette et d'un champ d'autonomie défini, mais "sur-contrôlés" par N, qui en a la responsabilité. Les modalités de ce "sur-contrôle" font la différence entre un management traditionnel ou participatif (à priori ou à postériori, rythmes, formes, modalités négociées ou imposées...). L'optimum résultats-coûts du dispositif de contrôle est un équilibre évolutif difficile.

Comme le soulignait M. CROZIER (9), le pouvoir est réductible à la quantité d'information dont je dispose sur l'autre et ma capacité statistique de prédiction de ses comportements. Or, la circulation de l'information dans l'entreprise ne recouvre heureusement pas celle que prévoit l'organigramme.

Cette vision en organigramme porte en elle-même un "travail en miettes" et, pour une partie importante des postes brouille, voire étouffe complètement, la voix du client.

 

B- L'alternative à la vision en organigramme est une représentation en processus ou chaque intervenant entre à part égale dans le "zéro défaut" du produit ou du service, sur un flux en principe optimisable, cassant les hiérarchies inutiles et les chapelles existantes , centrant les actions sur les objectifs et les faits dans une finalisation "satisfaction des besoins du client".

Le client se moque de l'organigramme. Tout au long du processus qui va de son information à l'après-vente, il va affronter un certain nombre de "moments de vérité", avec différents départements, avec différentes personnes qui vont, à part égales, lui forger son opinion. A chaque étape ses attentes sont satisfaites ou non et chaque moment est critique.

L'illustration ultime de cette approche en processus est le "reengineering" (10) , avec des résultats en gains de productivité et réduction des délais qui sont considérables, mais un taux d'échec qui l'est quasiment tout autant, le gain de variété n'étant pas compensé par le gain de redondance adéquat.

Depuis toujours, les organisations professionnelles sont confrontées à une quadruple contrainte qui consiste à mettre en adéquation :

• Produire des biens et services conformes aux besoins des clients et usagers, obéissant donc à des spécifications,
• Motiver leurs ressources humaines dans cette perspective,
• Dans le cadre de l'atteinte d'un seuil de rentabilité minimal,
• Compte-tenu de l'entropie et de la concurrence, améliorer et innover en permanence.

Fonction des caractéristiques des mains d'œuvre, de celles du marché et de l'environnement économique général, diverses conceptions ont été privilgiées :

• Une conception technique, dans la lignée de TAYLOR: Il existe un mode rationnel et une organisation scientifique du travail. Elle fait référence à une conception "dure", énergétique et mécaniste de l'organisation dans laquelle si la mécanique est bien conçue, bien contrôlée et bien entretenue, tous les rouages fonctionnent de manière optimale, sans perte d'énergie.
• Une conception plus sociale pour laquelle les hommes et les femmes au travail, s'ils trouvent des facteurs de motivation et de reconnaissance vont, spontanément, produire en optimum. Dès les années 30 se fait jour une conception "molle" dans laquelle un bien-être subjectif des employés est la condition d'une production optimale. Le modèle de référence n'est plus mécanique et énergétique mais biologique et informationnel.

Ces deux références persistent et se retrouvent y compris dans les évolutions des méthodologies Qualité. Dès l'origine FEIGEMBAUM, puis DEMING, s'il mettent l'accent sur une approche statistique du contrôle insistent sur la nécessité de mettre à la disposition des opérateurs des cartes simples leur permettant d'effectuer eux-mêmes ces contrôles. Après un premier règne du contrôle statistique, le Japon confie, dès les années 60 une partie des mécanismes d'amélioration et d'innovation aux personnels dans des cercles de Qualité.

On a retrouvé en France, au début des années 80, l'opposition entre une approche très technique de la Qualité telle que la développait l'AFCIQ et l'approche plus orientée "ressources humaines et management" de l'AFCERQ.

Le débat qui continue entre les tenants des certifications ISO (International Organization for Standardization) et ceux de la Qualité Totale reflète encore l'opposition de ces deux paradigmes, l'un centrée sur la mise en œuvre de normes, l'autre, plus pragmatique, privilégiant un processus d'amélioration à partir d'un existant. La vogue actuelle du reengineering ressemble fort à l' irruption d'une conception très mécanique dans le monde de la Qualité.

Il va de soi qu'approches techniques et approches sociales de l'organisation sont indissolublement complémentaires et que l'ensemble froid du contrôle, des chiffres et de la procédure ne peut être efficace sur du long terme que réchauffé par l'ensemble de la communication, de la motivation et du management participatif.

6- Edgar MORIN tomes successifs de "La Méthode" - Seuil. Retour au texte
7- Op. cité. Retour au texte
8- Hubert LANDIER "L'entreprise polycellulaire" - Entreprise Moderne d'Edition 1987. Retour au texte
9- M.CROZIER et E. FRIEDBERG "L'acteur et le système" - Point Seuil 81. Retour au texte
10- Reconfiguration de processus par l'établissement de responsabilités transversales. Cf. notamment Dossier de "Qualité en mouvement" n° 20, janvier-Février 95 - Mouvement Français pour la Qualité. Retour au texte
 

 

7- Les processus-

Toute fabrication de produits (produire et Se produire), toute prestation de service est un processus, c'est à dire un ensemble d'opérations se déroulant les unes après les autres, transformant quelque chose, y produisant une valeur ajoutée.

Dans un processus, il y a une Entrée (un signal de démarrage, une matière première...) et une Sortie (un produit ou une prestation de service finis). Dans l'intervalle, entrent et interviennent sur le processus différentes interventions de différents processeurs :

• Des machines, outillages, matériels...,
• Des hommes et des femmes au travail,
• D'autres matières premières, ou d'autres pièces,
• De l'information (des savoirs-faire, des méthodes, des procédures...),
• Des influences de l'environnement (de l"humidité, de la poussière, de la lumière...).

Toutes ces données influent ou peuvent influer sur le processus dont la représentation simplifiée, sur ce schéma classique, est directement systémique (Entrées/Sorties, processeurs):

La démarche Qualité, l'Assurance de la Qualité du processus, découlent tout naturellement de cette représentation :

• Vérifier la qualité et la conformité des Entrées,
• Vérifier la qualité et la conformité des Sorties,
• Définir, conforter, maintenir et accroître le professionnalisme et la motivation de la main d'oeuvre,
• Fixer les informations sous formes de procédures claires pour tous,
• Vérifier et entretenir les machines et l'outillage de manière à ce qu'ils fonctionnent en optimum,
• Contrôler en permanence les matières premières et/ou les supports,
• Contrôler les infuences de l'environnement sur le processus,
• Traiter les anomalies,
• Optimiser en permanence la gestion des flux.

La mécanique de base du souci de la Qualité du processus est donnée par le PDCA (Plan, Do, Check, Action) : Planifier, Réaliser, Contrôler, Améliorer.

L'expérience a permis de synthétiser certaines caractéristiques des processus :

A- Du fait des interactions entre les 5 sous-ensembles du processus, un micro-écart peut avoir des incidences exponentielles s'il se situe en un point ou un moment critiques (là ou l'écart minimal peut avoir des résultats maximaux). Leur prédictibilité est , au départ, restreinte.

Les travaux mathématiques de R. THOM relatifs à des systèmes simples dotés simplement de trois degrés de liberté mettent en évidence des bifurcations surprenantes. En outre, les points critiques sont potentiellement si nombreux sur des processus comportant au moins une interface homme-machine que les observations d'un opérateur au bas de la ligne hiérarchique peuvent se révéler aussi stratégiques que celles du Bureau d'Etudes.

B- Les processus subissent l'épreuve du temps et du second principe de la thermodynamique. Ils s'usent et se dégradent irréversiblement s'ils ne sont pas régulés par une maintenance portant sur les cinq sous-systèmes.

• Face à ces deux défis, il existe trois niveaux d'action imbriqués :

1- Etablir une prédictibilité minimale, mettre le système sous-contrôle à l'intérieur d'une fourchette définie.

2-Améliorer peu à peu sa capabilité, c'est à dire réduire l'écart -type de la fourchette des sorties.

3- Innover et/ou réaliser la percée technologique modifiant radicalement tout ou partie du processus.

L'approche de l'organisation par ses principaux processus est une représentation des activités du système. Elle seule permet d'envisager son optimisation. Dans le domaine de la formation, seuls les tenants du PEI (11) , de la Médiation et de la Re-médiation cognitive ont résolument et significativement mis en avant le processus d'apprentissage comme base de leurs préconisations. Poser les termes des processus de formation est indispensable pour une approche Qualité de la formation qui dépasse ses aspects économico-administratifs.

11- Programme d'Enrichissement Instrumental de FEUERSTEIN. Cf. "Pédagogies de la médiation. Autour du PEI" - Ed. Chronique Sociale 90. Retour au texte

 

8- Les techniques Qualité-

La Qualité est selon la définition officielle "L'aptitude d'un produit ou d'un service à satisfaire les besoins (implicites et explicites) des clients" (ISO/DIS 8402). La NF 50-120 (94) remplace "d'un produit ou d'un service" par "d'une entité", renforçant l'aspect "assurance" de la qualité. Cette définition ne doit cependant pas cacher que le concept a évolué et, selon toute vraisemblance, évoluera encore.

L'ISO 9004-1 précise: "Pour réussir (la qualité), il convient qu'un organisme propose des produits (et services) qui:

• "répondent à un besoin, un usage ou un objectif bien définis;
• satisfont aux attentes des clients;
• sont conformes aux normes et spécifications applicables;
• sont conformes aux exigences de la société;
• tiennent compte des besoins de l'environnement;
• sont offerts à des prix compétitifs;
• sont produits de façon économique."

Historiquement:

• S'est d'abord mis en place le contrôle Qualité, en fin d'étapes et de fabrication afin de vérifier que les produits livrés étaient conformes et fonctionnaient correctement puis, sur les grandes séries, dès les années 30, le contrôle statistique des produit et processus.
• Au Japon, au milieu des années 60, les défauts de fabrication constatés ont commencé à être analysés par les personnels de l'Atelier pour définir les corrections nécessaires. C'est la naissance des Cercles de Qualité.
• Vers la même époque, on s'est aperçu que l'obtention de produits conformes et sans défauts supposait une organisation qui, dès la réception des matières premières, contrôlait toutes les opérations. L'Assurance de la Qualité s'est mise en œuvre, avec ses développements ultérieurs ISO.
• Les années 80 ont mis en avant la Qualité Totale: Toutes les fonctions de l'entreprise sont concernées par la recherche de la satisfaction du client, qui s'étend aux services entourant le produits ou la prestation.
• En même temps, est apparue la notion de démarche Qualité: C'est à dire d'un ensemble mis en oeuvre progressivement et en perpétuelle quête d'amélioration.
•Enfin, de plus en plus, notamment en ce qui concerne les services, la qualité passe toujours davantage par une veille active orientée client: "comprendre, accepter, satisfaire et dépasser en permanence les besoins, les souhaits et les attentes du client" (12 )

Les définitions ont aussi évolué, intégrant la recherche du "moindre coût" et s'élargissent à l'usager du service public.

Le Mouvement Francais pour la Qualité donne pour missions à la Qualité :

- "de garantir l'atteinte des objectifs fixés,
- de créer et faire vivre une dynamique d'amélioration continue,
- de donner en permanence la capacité d'adapter ses produits et son organisation à la vision qu'elle s'est donnée et aux contraintes de l'environnement.
La démarche Qualité considère que le développement et la réussite de l'entreprise sont indissociables de l'épanouissement des hommes et des femmes qui y travaillent afin d'assurer sa prospérité par la satisfaction et la fidélisation de ses clients".

Quelques soient ses choix d'école, une méthodologie Qualité respecte les données suivantes :

• Identifier les besoins de ses usagers,
• Traduire ces besoins en caractéristiques du produit , de la prestation et de leurs services.
• Concevoir puis mettre en œuvre les processus de fabrication principaux à partir du PDCA.
• Etendre cette formalisation finalisée en faisant remonter la voix du client par des relations client-fournisseur internes.
• Mobiliser, sous des formes adéquates l'ensemble des personnels pour l'atteinte de ces objectifs. Comme le préconisait FEIGEMBAUM "Le TQC (Total Quality Control, Maîtrise Totale de la Qualité) est un système efficace conçu pour que chacun des groupes composant un organisme apporte sa contribution au développement, au maintien et à l'amélioration de la qualité". Ces formes de mobilisation sont en grande partie propres au démarches Qualité: Cercles, Animateurs, Comité de Pilotage....
• Organiser une décentralisation, une délégation de la créativité, et des marges d'innovation à tous les étages. Car dans des processus où d'innombrables interactions sont à l'œuvre, les observations de l'ouvrier du quart peuvent se révéler aussi importante, aussi stratégiques que celle de l'ingénieur de la recherche-développement.

Cela suppose, à l'évidence, une implication forte de la Direction puis de l'encadrement, un dispositif relativement autonome, et une maintenance car cette technologie sociale, comme toute technologie s'use. Cela suppose encore une veille technologique tous azimuths car le concept évolue et c'est de l'extérieur que viendront une partie importante des informations permettant des améliorations sensibles. Comme l'ont montré de nombreux auteurs, la porosité et l'anticipation des l'entreprises et de ses différents sous-ensembles à la voix du client et, plus généralement aux attentes et aux évolutions de ses environnements est une des conditions, systémique, de la qualité.

La Qualité conçue comme technologie sociale, couvrant l'ensemble des fonctions et fonctionnements, doit cependant s'adapter précisément aux caractéristiques de l'organisation qui la met en œuvre. Dès lors, le diagnostic préalable indispensable doit privilégier un mode d'entrée ou un autre dans une démarche Qualité et un éventail de techniques existe. En outre, les déroulements doivent, selon les cas et les moments, privilégier les aspects plus techniques ou les aspects plus sociaux. Rappelons que la philosophie de la Qualité est celle d'un objectif reculant perpétuellement, au fur et à mesure que l'on s'en approche, et donc un ensemble organisationnel en perpétuel changement.Aucune certification attestant la mise aux standards internationaux d'organisation ne peut être suffisante, même si elle représente un acquis et souvent un passage nécessaire.

12- Steven H. HRONEC "Vital Signs" - Ed. d'organisation, 95. Retour au texte

 

9- La formation d'adultes-

La formation d'adultes, du fait de la prégnance des modèles issus de la formation initiale est longtemps restée à une approche centrée sur les contenus. Jules Ferry s'enorgueillissait qu'à la même heure toutes les écoles de France aient exactement la même activité. L'ingénierie par objectif, l'individualisation, montrent que l'auditeur est arrivé au centre de ses préoccupations.

Elle s'est longtemps cantonnée à un contrôle final. Les systèmes en Unités Capitalisables, en Unités de Valeurs permettent de sortir de cette logique de "tout ou rien".

Elle a longtemps privilégié une conception purement technique de l'apprentissage (explication + exercices d'application + exercices de mémorisation = bon apprentissage), gavage à fort taux d'échec dès lors que les déterminismes socio-familiaux sont forts. Les réflexions d'ILITCH au début des années 70, puis la prise en compte des affects, du "vécu", ont socialisé cette approche purement technique.

Elle a réussi à sortir d'un système de mesure uniquement appuyé sur la docimologie en s'interrogeant sur la satisfaction des auditeurs et celle du financeur.

Les normes AFNOR sur la Formation Professionnelle montrent qu'elle a réussi à sortir de son ghetto idéologique pour se poser en entreprise de production de services et s'intégrer dans ses amonts (l'analyse des besoins) comme dans ses avals (l'évaluation du transfert des compétences acquises). Les thèmes des Entretiens CONDORCET successifs, les différents Colloques et séminaires de ces dernières années relatifs à la formation d'adultes en sont une illustration. Reste qu'un certain nombre des champs de la formation, quelles que soient la validité des intentions, reste à l'écart d'une approche systématique de la qualité. L'approche systémique, fondement théorique des méthodologies Qualité, lui permet d'envisager une extension du champ de la Qualité à l'acte d'apprentissage lui-même.

 

Concluons en rappelant que:

• l'approche systémique et les travaux sur la complexité sont le champ théorique de référence actuel des principales réflexions sur l'organisation.
• toute analyse d'activités gagne à être posée en tant que processus, y compris toutes les activités de formation d'adultes.
• les méthodologies Qualité sont une approche socio-technique de l'organisation et de ses nécessaires modalités d'évolution permanente.
 

 jfa04

1997