PLATON

(427-347) 

 

Biographie. Oeuvres principales

 

Né à Athènes en 427 av. J.-C., Platon appartenait à une famille aristocratique, et tout le destinait à la politique . Il vécut une sombre période historique et assista à l' écrasement d'Athènes durant les guerres du Péloponnèse, qui mirent aux prises Athènes et Sparte.

En 408, Platon rencontre Socrate et, dès lors, il renonce à la politique pour la philosophie.

Son maître lui apporte, non point une doctrine, mais un type de recherche par questions et réponses, ainsi qu'un mouvement vers la sagesse. La mort de Socrate (399 av. J.-C.) va profondément marquer Platon ; il écrira désormais pour répondre à cette question : comment, dans la cité, le juste a-t-il pu être condamné à mort et comment la vraie et authentique justice a-t-elle pu être bafouée?

Risquant d'être inquiété (comme élève de Socrate), Platon quitte Athènes pour Mégare, une cité voisine, part en Afrique, séjourne en Egypte et gagne la Sicile, où il espère réaliser des réformes politiques à Syracuse, auprès du tyran Denys l'Ancien. Mais les choses se passent mal et Denys le vend comme esclave. Racheté et libéré, Platon entre à Athènes en 387. Il y fonde l'Académie, première école de philosophie organisée comme une université, avec bibliothèque, salles de cours et même logements pour les étudiants (cette Ecole poursuivra son enseignement jusqu'au vie siècle ap. J.-C.). Toujours préoccupé de politique, rêvant de réaliser des réformes, Platon retournera deux fois en Sicile, où Denys le Jeune est au pouvoir. Le deuxième voyage tournera mal à nouveau, et il ne devra sa liberté qu'à l'intervention d'un ami, Archytas de Tarente. Platon est mort à Athènes en 347 av. J.-C. sans avoir pu réaliser ses projets politiques, mais en laissant une œuvre philosophique considérable .

Si l'enseignement ésotérique et secret de Platon nous est inconnu, ses dialogues subsistent.

On les classe habituellement en trois groupes :

• Les dialogues de jeunesse, tout d'abord, écrits durant la période qui suivit la mort de Socrate : L'Hippias Majeur - Le Lachès - Le Lysis - Le Charmide - Le Protagoras - Le Gorgias ;

• Les dialogues de la maturité, ensuite : Phédon - Banquet - Phèdre - République -Timée

• Les dialogues de la vieillesse, enfin, Parménide - Théétète - Sophiste - Politique - Philèbe - Critias - Lois, approfondissent et nuancent la théorie des Idées.

Dans tous ces écrits, Platon a posé des questions d'une extraordinaire modernité.

 

Racines et apports

 

1 - Les racines

• Elève de Cratyle, qui fut un disciple d'Héraclite (VIe siècle), Platon va méditer sur l'instabilité du monde sensible et les apparences changeantes. Cf Aristote: "Dès sa jeunesse, Platon, étant devenu d'abord ami de Cratyle et familier des opinions d'Héraclite selon lesquelles toutes les choses sensibles sont dans un flux perpétuel et ne peuvent être obhet de science, demeura par la suite fidèle à cette doctrine ". (Métaphysique, A, VI 987 a32 - Vrin p. 53)

• Platon, plus proche par tempérament d'Héraclite que de Parménide *, a néanmoins réfléchi sur l'œuvre de ce dernier, pour qui était seul réel l'Etre éternel . Sur l'affinité intellectuelle entre Platon et Héraclite, cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 262-263; 266-267

• Platon a réagi contre l'influence des Sophistes qui, à Athènes, aux Ve et IVe siècles av. J .C., relativisaient la vérité et la morale ; il est l'adversaire de ces "amis des apparences", pour qui l'homme est la mesure de toutes choses.

• Ce fut la rencontre avec Socrate (le maître avait 63 ans, l'élève 20 ans) qui constitua l'événement capital de la vie de Platon : enthousiasmé, il décide de s'adonner à la philosophie et suit, pendant huit ans, l'enseignement de son maître.

 

2 - Les apports conceptuels

 

Platon subordonne le monde sensible au monde idéal et aux essences. Notre monde empirique tout entier est tendu par une immense aspiration vers ces essences qui sauvent les phénomènes. Il a construit sa philosophie sur les concepts fondamentaux suivants :

• l'Idée (ou Essence), conçue comme Forme intelligible, modèle de toutes choses, réalité non perçue et néanmoins plus réelle que les êtres sensibles. A ces Formes, qui donnent sens aux phénomènes et les fondent, participent * toutes les réalités de l'expérience ordinaire; l' art en détourne en fixant l'attention sur l'apparence des choses. Sur la notion de participation cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 304ss;338] Face au vertige du mobilisme universel (Cratyle 411b) - qui présente un triple visage, sémantique , gnoséologique et ontologique , Platon se présente comme le grand empêcheur de tourner en rond. Et il pense avoir trouvé l'arme absolue pour mettre fin à ce triple vertige: la théorie des idées. C'est d'elle qu'il est question dans le rêve que Socrate, à la fin du Cratyle , confie à ses ionterlocuteurs. Ce rêve, dont Socrate dit qu'il le hante souvent, postule l'existence d'une "chose bonne et belle en soi", qui aurait un statut ontologique qui la mettrait à l'abri du mobilisme universel. cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 288

• Sur l'évolution de la pensée de Platon relative aux Idées. Cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 267

• Sur le contenu et la portée ontologique de la théorie des idées Cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 289-316 [voir œuvres]

• la Dialectique, envisagée comme mouvement par lequel l'âme s'élève, progressivement et par degrés, des apparences sensibles jusqu'aux ldées ; Sur la dialectique platonicienne, chemin d'accès à l'universel. Cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 289-295 [voir à "Dialectique" in notions]

• le Bien (ce n'est pas une notion à proprement parler, puisqu'il échappe à toute définition): le Bien est le Divin, principe suprême, supérieur et à l'existence et à l'Essence (epekeina tês ousias, au delà de l'être, République VI, 509b). Tout se passe dans la pensée de Platon comme si seul le Bien était capable de rendre radicalement raison (logon dinonai République 535e) des choses, alors que toutes les autres formes de connaissance, connaissance mathématique y comprise, flottent comme dans un rêve (République 533c). La logique est transcendée par une axiologie, qui seule permet à la pensée de s'exercer jusqu'à son terme. Comme le donne à penser la Ligne au livre VI de la République, la pensée discursive - dont les mathématiques sont le paradigme -ne saurait être le dernier mot de la raison. La dialectique ascendante conduit à la contemplation intellectuelle de l'idée de Bien. S'il existe une philosophie première chez Platon celle-cio excède donc l'ontologie pour instaurer ce que l'on pourrait appeler une agathologie. Sur le destin prodigieux de l'idée, cf J. Greisch, Etre et Langage I, p. 268

• l'0pinion (doxa), envisagée comme connaissance inférieure, portant sur les objets du monde sensible;

• la Justice, envisagée, en nous, comme ordre maintenant à sa place et à sa fonction chacune de nos forces intérieures. Dans l'Etat, la justice désigne le fait que chaque classe accomplit sa tâche et exécute sa fonction propre, et signifie, par conséquent, que l'ordre est maintenu entre les différentes classes et forces coexistant dans cet Etat ;

• la Vertu : la vertu désigne la participation à la vraie connaissance (nul n'est méchant volontairement ; le vrai courage est la connaissance de ce qu'il faut vraiment redouter). Chez les Grecs, la vertu est un principe d'excellence. Elle désigne chez Socrate, en particulier, la science du bien et du mal et le vrai mérite. Les vertus cardinales (autour de quoi tout s'ordonne) sont : prudence, courage, tempérance, justice. Le Ménon poe la question de savoir si la vertu peut s'enseigner.

 Cf. J. Russ, Les chemins de la pensée, Bordas pp. 39-40