Ray Harryhasen
Interview
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En quelques années, les magiciens du cinéma se sont pour beaucoup transformés en businessman et en techniciens de l'impossible... Oubliant souvent les enfants qu'ils ont été devant la lanterne magique et les prémices du cinéma fantastique. Pourtant, certains d'entre eux, comme Tim Burton, Terry Gilliam, Georges Miller ou Hayho Miyazaki, n'ont pas oublié les leçons de Ray Harryhausen, le sorcier sculpteur qui fût l'un des plus grands créateurs et défenseur de l'animation au cinéma. Des Voyages de Simbad au Choc des Titans en passant par Jason et les Argonautes, ce grand père spirituel et farfelu revient pour nous sur les grandes années de la mythologie fantastique et de l'époque où c'est l'huile de coude qui faisait les chefs d'¦uvre du grand écran. Une histoire d'amour avec le cinéma qui débute par la rencontre avec un gros singe échappé de la forêt.

"Si je me souviens bien c'est un film qui s'appelait King Kong en 1933, j'avais vu ce film au Chinese Théâtre d'Hollywood et rien n'a été pareil depuis ce jour, c'était juste incroyable. La technique, le genre d'histoire que le film racontait. Cela te promenait du monde moderne au plus incroyable des mondes fantastiques qui n'a jamais été porté à l'écran. Et encore aujourd'hui c'est un divertissement formidable. Ce film m'a initié à l'image par image quand j'ai découvert qu'ils utilisaient cette technique pour faire bouger les animaux et King Kong. J'ai commencé comme un hobby puis j'en ai fait une carrière."

A l'époque, les salles de quartier et les librairies fourmillent de série B, de comics et de pulp d'horreur, de Science Fiction mais plutôt que d'avoir la tête dans les étoiles, Ray Harryhausen l'a lui, dans les cavernes.

"Oui bien sûr j'avais lu un petit peu de science-fiction à l'époque, mais je n'ai jamais été un grand fan de ce qui touche au futur. Chaque fois que je vois quelque chose qui se rapporte au futur tout le monde est entrain de se faire exploser alors je préfère le passé. J'imagine que l'on appelle cela aussi de la science-fiction puisque le fantastique en fait partie. J'aime le passé, l'étude des dinosaures a toujours été un de mes hobbys et j'ai toujours voulu créer des dinosaures c'est pour cela que j'ai créé un film en 16 mm qui s'appelait Evolution mais quand j'ai vu Fantasia, j'ai découvert que nous allions dans la même direction et je me suis dit pourquoi aller plus loin. J'ai donc quasiment abandonné le projet, mais les images tournées étaient assez représentatives de ce que j'étais capable de faire avec l'image par image."

Quelles ont été vos premières influences ?

" Tous les enfants quand ils sont jeunes vont au musée et ils découvrent ces squelettes, les restaurations ou les peintures de Charles Night, d'ailleurs ce restaurateur du Musée national américain d'histoire naturelle m'a énormément influencé comme il l'avait fait pour Willis O'Brian le créateur de Lost World et de King Kong, parce qu'il était le seul à avoir imaginé des représentations réalistes des monstres préhistoriques. C'est une de mes plus grandes sources d'inspiration. "

Pouvez-vous nous parler plus précisement de la technique ?

" L'évolution technique se fait de façon très naturelle, parce que quand tu termines ton premier film, tu te dis toujours que tu pourras faire mieux sur le second. Une des principales évolution est venue de chez Kodak qui c'est mis à fabriquer de meilleurs films parce que la base de mon travail est liée à la projection d'images-miniatures sur de la pellicule qui au fur et à mesure est devenue plus précise, avec moins de grains, moins de contrastes. J'ai moi-même essayé de développer de nouvelles techniques qui permettaient d'utiliser moins de peintures sur glace qui était très complexe et très difficile à utiliser. Tout ça c'est le genre d'évolutions qui se sont accumulées au fil des années. Nous étions toujours liés à des budgets très serrés ce qui fait que j'étais toujours obligé de faire du spectaculaire avec très peu d'argent. Ce qui t'apprend à économiser, sans le montrer à l'écran.

J'ai toujours aimé diriger et les acteurs et l'animation. Mais mes personnages animés font quand même exactement ce que je veux qu'ils fassent alors qu'il faut souvent argumenter avec les acteurs. J'ai parfois essayé de diriger les deux sur certains films, mais j'ai parfois l'impression qu'au final cela porte préjudice à l'un ou à l'autre".

Quels étaient vos rapportS avec la mythologie ?

" Les premières images animées que je n'ai jamais faites avaient un rapport avec Migthy Joe Young que j'ai réalisé avec Willis O'Brian. Mais dès que j'ai commencé à travailler seul, j'ai réalisé de petits films de destruction, la bête de 200 Fatom détruit New York, la pieuvre géante attaque le Golden Bridge de San Francisco, la sirène qui détruit l'Italie, mais j'ai commencé à en avoir marre de détruire tout ce qui m'entoura et j'ai eu besoin d'autre chose pour utiliser l'image par image et ça je l'ai trouvé dans les contes des milles et une nuit. Tu peux imaginer que Simbab aurait à se débattre avec un squelette mais pas James Bond. Ca serait risible, on serait en plein dessin animé. C'est pour cela que les contes de fées étaient intéressants parce que l'on pouvait y ajouter de la magie, de l'alchimie, ou des contextes philosophiques sans que cela dérange l'histoire. La mythologie suivante dans laquelle j'ai puisé était celle de la Grèce antique. Je me rappelle avoir grandi avec les images de Maria Montes que faisaient les studios Universal, les milles et une nuit, Ali baba et les 40 voleurs, Sabou, mais c'était juste des histoires de gendarmes et de voleurs qui portaient des pantalons larges alors que l'on n'en voyait absolument pas les personnages mythiques qui sont si importants dans ces histoires. Et moi ce j'avais envie c'etait de porter ces personnages mythiques à l'écran, et j'ai dévoué ma carrière à cela. "

Ray Harryhausen : Sculpteur ou magicien ?

"C'est très difficile à dire parce que je suis investi dans tous les éléments du processus de mes films, je travaille avec le scénariste quand il écrit l'histoire ou je l'écris moi-même, parfois j'adapte une histoire qui existe déjà pour l'animation que je veux faire. Dans tous les films que j'ai fait, j'ai travaillé de concert avec les réalisateurs, les scénaristes et les producteurs et il m'arrive même d'arriver avec mes propres histoires comme celle des 20 000 de miles que j'ai concocté moi-même ou les 7 voyages de Simbad ou le voyage doré de Simbad et l'¦il du tigre.
En règle générale, j'arrive avec un scripte d'une vingtaine de pages qu'un scénariste professionnel retravaille. En fait je travaille sur toutes les phases de créations d'un film et j'aide même à le vendre. En règle générale, je ne fais pas les choses justes pour les faire, il me faut une raison pour faire une sculpture que ce soit pour un film ou un objet artistique. Une de ma première sculpture était un hommage à King Kong parce que ce film a déclenché ma vocation et j'avais décidé de faire une sculpture qui représente King Kong entrain de tabasser un dinosaure. J'en ai fait un bronze comme je l'ai fait plus tard avec le Cyclope qui n'existe plus aujourd'hui et un bronze de la bête des 2 000 fathoms comme de beaucoup d'autres. J'ai envie qu'ils continuent d'exister comme les films qui sont encore sans age."

Pourquoi vos films sont-ils cultes ?

"Je ne vois pas comment on peut définir un film culte, ce terme a une signification très différente suivant les gens quand Jason et les Argonautes est sorti ça n'a pas été un succès du tout. Il a été bien reçu, il a reçu de bonnes critiques, surtout en Angleterre d'ailleurs. Mais chaque fois que les gens entendent parler d'un film sur la mythologie ou sur Simbad, ils ont l'impression qu'il s'agit d'un film pour enfants et ils ne vont pas le voir. Mais maintenant que ces films sont passés à la télévision qu'ils ont eu une audience plus large le public commence à se rendre compte qu'il y a autre chose dans ces films que ce qu'ils imaginaient au premier abord."

Que pensez vous des hommages flagrants de jeunes réalisateurs dans des films comme Mars Attack ou Starship Trooper ?

" Je ne peux rien y faire, je suis flatté qu'ils trouvent que mes films sont si bons pour leur rendre hommage. Il y a beaucoup de mots pour décrire cela mais c'est vrai qu'ils sont un hommage comme dans la scène des squelettes dans Hercule ou plus récemment la Momie sont des hommages à Jason mais d'autres copient aussi nos créations et que veux-tu que l'on fasse contre ça. C'est l'évolution, quelqu'un fabrique quelque chose et plus tard la nouvelle génération fabrique autre chose à partir de cela, ça fonctionne comme une boule-de-neige qui cumule toujours davantage...J'ai moi-même beaucoup appris de King Kong certaines personnes vont même uniquement référence à ce film en parlant de moi, j'ai aussi été beaucoup influencé par She le film de Marianne Cooper, c'est juste un processus d'évolution qu'il est difficile de critiquer parce que cela fait partie d'un processus naturel."

Quels sont les films que vous n'avez pas pu réaliser ?

"Il y en a plusieurs, mais j'ai eu davantage de chance de Willis O'Brian puisque la plupart des films que j'ai voulu faire, je les ai faits, alors que Willis a eu beaucoup bonnes d'idées qui n'ont pas atteint le stade de la production. J'ai toujours voulu faire un film d'animation à partir de L'enfer de Dante basé sur les dessins de Gustave Dorée. J'ai vraiment pensé à le faire, mais au bout d'un moment je me suis dit : mais qui va rester assis pendant une heure et demie pour regarder des gens dans la tourmente, des ames tourmentés. Et maintenant les gens restent 3 heures ainsi à regarder des ames tourmentés mais pas tout nus bien sûr ! Enfin L'enfer de Dante est quelque chose que j'ai voulu réaliser mais je n'ai pas le sentiment que ça plairait au public d'aujourd'hui. Néanmoins, j'ai toujours le sentiment qu'il y a de la place pour les films d'animations au milieu de tous les effets spéciaux, digitaux."

Que faites vous maintenant ?

"Depuis le clash des Titans, j'essaie de restaurer des créatures que nous avons du cannibaliser. J'ai dû transformer la bête de 2 000 fathoms pour en faire un dinosaure pour le film qui a suivi comme je l'ai fait pour le Cyclope qui a été transformé pour le film suivant. Et comme ces créatures n'existent plus j'ai essayé de leur redonner vie en les sculptant à nouveau afin que les gens qui vivront en 2500 se demande "Mais qui donc a bien pu faire cela ?". Cela vous montre l'étendue de mon ego."