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                               Le message de la Bhagavad-Gîtâ

 

© Ralph Stehly, Professeur d'histoire des religions, Université Marc Bloch, Strasbourg

 

 

  

A gauche: Arjuna et Krishna, avec Vishnou à l'arrière-plan. A droite Arjuna et Krishna

(clichés tirés de La Bhagavad-Gîtâ "telle qu'elle est", de A.C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada)

 

   Le problème posé par la BhG est un problème qui n'a cessé de hanter la métaphysique indienne. Comment se comporter dans le monde ? Vaut-il mieux être engagé dans l'action, ce qui veut dire pour l'Inde accomplir son devoir dharmique (le devoir dharmique d'Arjuna, qui est un guerrier, est de combattre, quels que soient ses ennemis) ? ou vaut-il mieux s'engager dans la voie du renoncement ? Vaut-il mieux la pravritti ou la nivritti ?

La BhG choisit la voie de l'action : " Accomplis les actes prescrits: l'action est supérieure à l'inaction " (3.8). Accomplir les actes prescrits, autrement dit les actes prescrits par notre dharma (1), les actes qui nous incombent en vertu de notre situation particulière dans la société. Mais il faut agir en se détachant de ses actes et de leur résultats. C'est le fameux phala-trishna-vairâgya ("renoncement à la soif du fruit").

4.20 " Indifférent au fruit de l'action, toujours satisfait, libre de toute attache, si affairé qu'il puisse être, en réalité, il n'agit pas ", autrement dit l'homme n'ensemence pas son karman, qui l'enchaîne aux renaissances successives. Grâce au phalatrishnavairâgya, il est permis à tout homme d'espérer qu'il sera sauvé, alors même qu'il sera obligé de continuer à partager la vie sociale, à avoir une famille, des soucis, à occuper des fonctions, à commettre même des choses "immorales", comme Arjuna qui doit en vertu de son devoir dharmique tuer des membres de sa famille qui sont situés dans l'autre camp.

On peut exprimer cela dans un langage plus contemporain: il faut suivre sa vocation, sa propre pente, sans penser à une éventuelle "récompense". Penser à une éventuelle récompense, voilà ce qui nous enchaîne.

Cette doctrine a profondément influencé beaucoup de penseurs occidentaux contemporains: cf. Mircea Eliade, L'Epreuve du Labyrinthe, p. 193.

Krishna

" Toute les fois que l'ordre du monde (dharma) chancelle, que le désordre (a-dharma) se dresse, Je Me produis Moi-même " .  En d'autres termes, Krishna se manifeste lui-même, c-à-d révèle, d'une manière appropriée au moment historique, une sagesse intemporelle. Pour la théologie hindoue, la doctrine de la BhG n'est pas nouvelle, Krishna y met simplement à jour des formules appropriées d'un message intemporel.

Le non-être et l'être, révèle Krishna, résident en Lui. Toute création est manifestation de Krishna. " Dans l'eau, Je suis la saveur. Je suis l'éclat de la lune et du soleil, la syllabe "om" dans tous les Veda, les sons dans l'éther, la virilité chez les hommes, le parfum dans la terre, la splendeur ardente dans le feu. Je suis la Vie de tous les être. Et Je suis l'austérité chez les ascètes " (7.8-9)

Krishna crée continuellement le monde au moyen de sa prakriti, mais cette activité incessante ne l'enchaîne pas : " Maîtrisant Ma propre nature cosmique (la prakriti), J'émets encore et toujours tout cet ensemble des êtres, malgré eux et par le pouvoir de Ma nature (prakriti). Et les actes ne Me lient pas….Je demeure sans attachement à Mes actes ".(9.8-9)

Krishna est l'Absolu:

" Je suis la source de toutes choses; c'est de Moi que tout procède " (10.8)

" Arjuna dit à Krishna: Vous êtes le suprême Brahman, le suprême séjour, le suprême purificateur, esprit divin et éternel, premier des dieux, non-né, omniprésent ! " (10.12).

Il est le fondement de l'Absolu:

" Car c'est Moi le fondement du Brahman, de l'immortel, de l'immuable, de l'ordre éternel, de la béatitude absolue " (14.27)

La Bhakti

La tradition indienne voit la quintessence de la Gîtâ en 11.55. Nous citons ce texte avec le vers qui le précède (11.54):

" C'est seulement au prix d'une dévotion sans partage (bhakti) que l'on peut, ô Arjuna, Me connaître sous ces traits et Me contempler en vrai et entrer en Moi, ô héros redoutable ".

Celui qui n'agit qu'en vue de Moi, pour qui Je suis l'Être suprême, qui est Mon fidèle dévôt (bhakta), libre de toute attache, qui ne connaît de haine pour aucun être, celui-là, ô Pandava, parvient à Moi "

Autrement dit, le meilleur moyen d'être sauvé, de se réaliser en se libérant du cycle des renaissances, consiste à orienter son âme, son esprit et toute son action vers Dieu, ici Krishna, et à rechercher Sa communion. On vient à Krishna, on ne se dilue plus dans le Brahman, ni dans le nirvâna, comme dans le bouddhisme, mais on vient à un Dieu qui tout en conservant sa transcendance-immanence est disposé à une relation personnelle avec le fidèle. Cette relation personnelle est appelée par la BhG bhakti-yoga.

Ici donc, le yoga a envahi toute l'indianité. Ce n'est pas le râja-yoga ou le hatha-yoga de Patanjali, mais celui des exercices dévotionnels qui impliquent une relation personnelle à la divinité (chants mystiques, offrandes de fleurs, encens, danses….). La BhG est le livre du bhakti-yoga certes, mais aussi du karma-yoga, du yoga des œuvres, puisqu'il sanctifie l'action et refuse la nivritti.

 

Sources:

John Muir, Original sanskrit texts on the origins and progress of the religion and institutions of India, Londres, 1858

Surendranath Dasgupta, A History of Indian Philosophy, 1961-65

L. Renou, L'Inde classique, 2 vol., Paris, 1947

J. Gonda, Les religions de l'Inde, 2 vol.,Paris, 1962, 1965

Benjamin Walker, Hindu World, An Encyclopedic Survey of Hinduism, New Delhi, 1983

  A.C. Bhaktivedânta Swami Prabhupâda, La Bhagavad-Gîtâ, telle qu'elle est, , coll. Les Grands Classiques de l'Inde, 1981 (avec un commentaire du Maître).

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Voir aussi: 

Le monothéisme  hindou

Krishna

Vichnou et ses incarnations

La problématique de la Bhagavad-Gîtâ

La mise en scène: violence et non violence

Le message de la Bhagavad-Gîtâ

Le chant 2 de la Bhagavad-Gîtâ

Le chant 4

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Bibliographie (générale de l'hindouisme)

Introduction: L'unité de l'hindouisme les croyances fondamentales, Chronologie. Autour de la notion de brahman  

Les Ecritures: Le Veda  (hymne à Agni, hymne cosmogonique,   l'Ascète), Les Upanishads (Brihadâranyaka-Upanishad, Katha-up, Maitry-up, Shvetâshvatara-up  Yogatattva-up) 

La Bhagavad-Gîtâ: la problématique, violence et non-violence, le message, chant 2, chant 4, Krishna Vichnou 

La divinité: Dieu et les dieu,   le Brahman, Vichnou (Krishna), Shiva, les dieux mineurs (deva), Agni

Notions védiques fondamentales: les quatre classes, les quatre buts de la vie, les quatre étapes de la vie, les  3 naissancesla quadruple dette | L' agnihotraLe rta ou dharma

Le renoncement (samnyâsa), le tapas (ascétisme), le prânâyama (rétention du souffle)

Le maître dans les Upanishads

La réincarnation  Les périodes cosmiques

Les Darshanas: le sâmkhya, le yoga, le vedânta (le Kevala-advaïta ou non-dualisme absolu,  Shankara, Râmânuja et le non dualisme qualifié)

Le rituel: la samdhyâ, la pûjâ, la journée d'un brahmane

Grands maîtres contemporains: Shrî Râmakrishna, Shrî Aurobindo, Krishnamurti, Gandhi

Le temple

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